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recherche les conditions communes des maladies et non les diversités. On n’étudie pas les symptômes pour porter remède à chacun d’eux, mais on cherche à déterminer par eux les diverses phases de la maladie et à y trouver des indications sur l’état général. Tout cela repose sur le principe que les maladies sont des modifications de la nature vivante. Les crises aussi font partie de cette méthode. Chaque maladie a sa marche et sa révolution, elle a ses temps d’accès ou de durée, ou, comme dit Hippocrate, toutes les maladies ont un mode commun. C’est de l’affection vitale que proviennent les symptômes et les effets organiques, et la vie est toujours attaquée à peu près de la même façon. Dans cette école enfin, l’anatomie, la connaissance du corps que l’on traite, n’est pas d’une importance capitale. On ne se conduit que d’après des règles générales, et l’on est bien près de dire, avec un des auteurs de la Collection hippocratique, que l’anatomie est bonne pour les peintres. Les professeurs de Montpellier croient aussi aux jours critiques et aux crises, tantôt favorables, tantôt nuisibles, tout en convenant que ces jours ne sont pas invariables ; ils admettent que les deux tiers des maladies guérissent d’elles-mêmes, et que le médecin doit se contenter de diriger la nature dans ses efforts pour amener la guérison.

Les médecins de Paris ne peuvent se vanter d’une uniformité comparable à celle des professeurs de Montpellier. Les sectes auxquelles les progrès de la science ont donné lieu sont nombreuses, tandis qu’il n’en peut exister dans une école qui se fait gloire d’une certaine immobilité. On peut dire pourtant, d’une manière générale et sans entrer dans des détails qui seraient infinis, que, pour la physiologie, on n’admet guère aujourd’hui la force vitale, et on ne distingue pas, comme à Montpellier, une âme des physiologistes et une âme des théologiens. On s’est demandé ce que serait cette force singulière dont, on ne peut déterminer ni la cause, ni le mode d’action, ni les effets, quoique depuis si longtemps on l’observe et on la discute, cette force qui fait marcher les animaux, pousser les plantes, sécréter la bile, digérer, respirer ! Attribuer à un principe distinct, identique et substantiel tous les phénomènes si divers que présentent les êtres organisés, ne serait-ce pas simplement donner un nom à une chose incompréhensible ? Ne vaut-il pas mieux reconnaître que la vie ne peut s’expliquer, ou chercher parmi les forces commes celles qui peuvent produire les effets dont nous sommes tous les jours témoins ? Pour les physiologistes de l’école de Paris, la vie est plutôt un résultat de l’organisation qu’un principe particulier et indépendant, et a-t-on jamais vu en effet la vie se réaliser sans organisation ? Nous admettons un principe immatériel qui fait penser : à quoi bon en admettre un second qui ferait agir ? N’est-ce pas multiplier les difficultés