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conséquence du peu d’étendue du territoire. Les maisons sont petites, discrètes et circonspectes; on reconnaît dans les habitations comme dans le caractère des habitans cette modération des goûts et des désirs qui est la philosophie du bonheur. Les Hollandais n’ont point comme les Belges la maladie du badigeonnage ; ils laissent à leurs maisonnettes la joyeuse couleur de la brique. Cette couleur rouge, combinée avec la verdure des arbres, avec le bleu sombre des canaux et avec l’or du soleil, donne aux villes des Pays-Bas, souvent même aux simples villages, un air de fête. Un goût très répandu, surtout parmi les femmes, c’est le goût des fleurs. Ici, la vie de l’intérieur est un poème, et l’on cherche tous les moyens de l’idéaliser. Nous avions déjà remarqué dans les Flandres que les habitudes morales s’élevaient avec l’amour des fleurs : dans la Néerlande, c’est une inclination qui devient générale. Telle rose qui s’épanouit derrière une vitre hollandaise, bien nette, bien transparente, est comme l’âme parfumée de la maison. Ces jardins domestiques sont quelquefois de véritables serres, tant la flore en paraît riche et variée. Une des plantes les plus recherchées des Hollandais est la jacinthe; ils en ont de toutes les variétés, la sérafine (blanche), la rose unique, la Jenny Lind, la gare-les-yeux (rouge), l’aimable bergère, l’Othello, qui est de couleur sombre et tragique, comme il convient au More de Venise. Transplantés dans un autre pays, ces oignons dégénèrent; vrais enfans de la Batavie, ils ne se plaisent qu’en Hollande. Derrière ce rideau de fleurs éclot le plus souvent une figure de jeune fille qui se cache, mais après avoir été vue. Les femmes de la Néerlande sont curieuses comme toutes les filles d’Eve; seulement c’est une curiosité qui se dissimule derrière une espèce de châssis vert qu’on appelle en hollandais horritje. L’habitude est de regarder ce qui se passe dans la rue, non dans la rue même, mais dans deux miroirs placés en manière d’angle, qui réfléchissent les objets, et qui méritent bien le nom que l’idiome vulgaire leur a donné, celui d’espions. Là, une blonde Hollandaise, ou même une brune (car les cheveux noirs ne sont pas rares dans les Pays-Bas), assise sur sa chaise, contemple pendant des heures entières, sans être vue, ce qui marche, ce qui flotte, ce qui s’anime. Cette image silencieuse du mouvement et de la vie est en rapport avec le caractère des personnes. Les beautés hollandaises sont des beautés timides et diaphanes, dont la physionomie tranquille ressemble à l’eau du canal qui dort devant les fenêtres de la maison. On connaît la réputation des eaux dormantes; mais ici les passions intérieures sont, dit-on, maintenues par la régularité de la vie et par la simplicité des mœurs. Rien ne manque à la joie paisible et recueillie de ces maisons situées dans les petites villes ou dans les villages de la Hollande, quand par hasard la cigogne