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pas donné de retrouver dans ses œuvres la simplicité, l’ingénuité, l’inexpérience et la gaucherie des maîtres du XIVe siècle.

Il y a donc en lui un double enseignement que nous ne devons pas négliger : il nous démontre la supériorité de la foi catholique sur la foi protestante ; mais en même temps il ne laisse aucun doute sur les dangers de l’expression religieuse acceptée comme règle suprême du goût. C’est pourquoi j’aurais aimé à voir des cartons d’Owerbeck à côté des cartons de Cornélius, car entre ces deux maîtres se trouve la signification complète de l’école allemande : d’une part la pensée libre, indépendante, abandonnée à elle-même, ne relevant que d’elle-même ; d’autre part la pensée soumise à la foi, mais essayant vainement d’abdiquer sa puissance. Owerbeck préfère la partie narrative de l’Ancien-Testament à la partie prophétique, et, par cette prédilection, il se rattache aux maîtres de la renaissance. Néanmoins tous ses efforts n’arrivent pas à déplacer le moment qu’il occupe dans l’histoire. Homme de notre temps, il essaie vainement de se reporter vers l’âge lointain où l’imprimerie était encore ignorée. Quatre siècles nous séparent de cet âge, et les transformations accomplies dans la masse des idées nous permettent d’affirmer que l’imprimerie a doublé la vie intellectuelle de l’humanité. Il ne faut donc pas penser, dans l’art ou dans la science, à retourner en arrière, et, pour parler la langue de l’école, si cette vérité n’était pas évidente de soi, les œuvres d’Owerbeck suffiraient pour la démontrer. Croyant, il n’arrive pas à exprimer la foi des maîtres du XIVe siècle ; il a trop lu et trop pensé pour croire à leur manière, pour garder leur sécurité. Sa peinture n’est pas spontanée, mais réfléchie et volontaire. Tout en l’admirant comme un des efforts les plus puissans de l’esprit contemporain, nous avons le droit de l’appeler en témoignage pour affirmer notre pensée. Il n’est pas de son temps, ou du moins il n’accepte qu’à regret l’esprit de son temps, et malgré la finesse de son talent, il ne possède pas aujourd’hui en Europe la popularité qu’il aurait obtenue, s’il eût consenti à exprimer sa pensée en-tenant compte des progrès accomplis dans son art du XIVe au XVe siècle. En même temps, par le caractère pathétique de ses compositions, il démontre la supériorité esthétique de la croyance romaine sur la croyance luthérienne. Il saisit admirablement, il rend à merveille tous les épisodes poétiques de la Genèse et de l’Exode. Quand il abandonne Moïse pour saint Matthieu ou saint Jean, il n’est pas moins heureux. Sa foi lui dit d’accepter le fait raconté sans le discuter, lui permet de l’orner, et il sait mettre à profit ce privilège. La foi protestante ne traite pas la peinture avec la même indulgence ; elle lui demande, elle lui prescrit l’expression d’une idée philosophique plutôt que celle d’une idée poétique. Ce n’est donc pas merveille si les peintres catholiques, à