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a dictés ne serait pas moins vrai. Le talent déployé par l’auteur ne fait que le rendre plus évident. Que les statuaires n’empiètent pas sur le domaine de la peinture, que les peintres n’empiètent pas sur le domaine de la sculpture, et les deux arts n’auront qu’à s’applaudir de ce mutuel respect. Le monument élevé à la mémoire de Frédéric prouve tous les dangers de la doctrine que je combats ; aussi m’a-t-il semblé utile de l’examiner avec un soin particulier. Cet examen était d’autant plus nécessaire que Rauch occupe en Allemagne et en Europe un rang très élevé.

Les cartons de Guillaume Kaulbach sont traités plus librement que ceux de Cornélius. La Tour de Babel, Moïse, Solon, sujets de nature si diverse, prouvent toute la richesse de son imagination. Ce que j’aime dans ces cartons, c’est l’indépendance de la manière. Guillaume Kaulbach, bien que nourri d’études sérieuses ou plutôt en raison même de la profondeur de ses études, n’a pas essayé de transformer ses instincts et de se faire italien. Il connaît les grands modèles, mais il n’a pas tenté d’effacer dans ses œuvres le signe distinctif de sa nation. Aussi je m’explique très bien qu’il compte dans son pays de nombreux admirateurs. Il ne se recommande pas par l’élégance du style, par la pureté des contours ; pourvu qu’il exprime clairement sa pensée, il ne tient à rappeler ni l’école romaine ni l’école florentine. Sous ce rapport, il mérite une étude à part. Cornélius a plus d’élévation, mais une originalité moins franche.

Le portrait de Jenny Lind, par M. Magnus, est une composition élégante. La figure est bien posée, le visage est modelé avec finesse ; malheureusement les bras et les mains sont demeurés trop imparfaits. Quant à la teinte violacée qui les recouvre, je ne sais à quoi l’attribuer : c’est une fantaisie que le goût condamne et qui fait tache dans cette toile, d’ailleurs très digne d’attention. Deux portraits de M. Frédéric Kaulbach révèlent chez l’auteur le sérieux désir de lutter avec Van-Dyck. On peut louer la couleur de ces deux morceaux ; cependant, pourêtre juste, nous devons dire à M. Frédéric Kaulbach que, s’il a imité avec bonheur les tons de Van-Dyck, s’il a opposé comme lui et avec le même succès l’éclat des chairs à la teinte sombre des étoffes, il ne lui a pas dérobé le secret du modelé. Son portrait de femme est élégant, mais le visage est plutôt indiqué que dessiné. L’œil n’aperçoit ni la forme des tempes, ni la forme des pommettes, toutes choses que Van-Dyck savait très bien montrer sans tomber dans la maigreur. Le portrait de Guillaume Kaulbach mérite les mêmes reproches ; c’est à coup sûr une composition très bien conçue ; par malheur ni la tête ni les mains ne sont modelées avec assez de fermeté. L’auteur est entré dans une excellente voie, seulement il me