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paraît se contenter trop facilement. S’il veut entrer en possession d’une solide renommée, il doit étudier le dessin de Van-Dyck aussi sérieusement que sa couleur, et ne pas sacrifier la précision de la forme à l’harmonie des tons. C’est une opinion accréditée dans la foule, en Allemagne comme en France, que Rubens et Van-Dyck négligeaient le dessin et n’avaient d’autre souci que d’éblouir les yeux par l’éclat des couleurs. Cette opinion ne résiste pas à l’examen. Ni Rubens ni Van-Dyck n’ont négligé le dessin, ils l’ont compris à leur manière, cherchant surtout l’expression de la vie. M. Frédéric Kaulbach n’a saisi jusqu’à présent qu’une moitié du maître flamand; j’espère que l’étude et la réflexion lui révéleront l’autre moitié.

Je n’ai rien à dire de la peinture historique et religieuse. Après avoir parlé de Cornélius et de Kaulbach, qui dominent l’école allemande, je craindrais qu’on ne se méprît sur le vrai sens du jugement que je porterais. L’histoire moderne et l’Ancien-Testament ont suscité en Prusse et en Bavière des tentatives très dignes d’estime, mais auxquelles manque le mérite de l’originalité. Je puis citer à l’appui de ma pensée Jésus et la Samaritaine, de M. Hensel, composition correcte, mais froide, qui ne blesse le goût par aucun défaut saillant, mais qui à tout prendre ne possède guère que des qualités négatives. Aussi me semble-t-il plus sage de garder le silence. Quant au paysage, l’école allemande le voit et le rend d’une façon que je n’approuve pas, mais qui peut cependant fournir d’utiles enseignemens. En France et en Angleterre, les peintres de paysage se laissent aller trop facilement au plaisir d’embrasser de grandes masses de lumière et d’ombre, et se croient dispensés d’écrire la forme des objets. L’école allemande procède tout autrement. Elle s’attache à la forme des rochers et des montagnes; elle reproduit avec une précision scientifique la configuration des terrains; mais, hélas! elle oublie d’animer ce qu’elle a dessiné. Ses études, qui pourraient servir de documens pour livrer une bataille, n’offrent pas au spectateur un bien vif intérêt. Qu’elle s’adresse à la Suisse ou au Tyrol, elle donne à tous les objets qu’elle retrace quelque chose de sec et d’anguleux. Ses rochers n’ont pas de mousse, ses arbres n’ont pas de lichen, ses lacs n’ont pas de ride. Rien ne vit, rien ne s’agite dans ces toiles qui révèlent un travail si persévérant; ni vent ni poussière. La nature entière demeure immobile et muette. Le spectacle de ces œuvres inanimées n’est pourtant pas sans profit, car on y trouve l’exagération des qualités qui manquent trop souvent aux peintres français et anglais. Tous les contours sont déterminés, tous les arbres sont couverts d’écorce, toutes les branches ont des feuilles; rien de confus