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des plus tristes intérêts et des plus sordides préoccupations domestiques. Mazarin écrivit sans doute pour nos ministres en Westphalie de merveilleuses dépêches, il déploya lui-même aux conférences des Pyrénées les qualités les plus précieuses du négociateur ; mais les glorieux résultats consignés dans les traités signés par lui étaient assurés du vivant du cardinal de Richelieu, dont la politique les avait préparés » et tout l’honneur de son successeur fut de les avoir maintenus. Écrivain politique et ambassadeur consommé, aussi sagace pour deviner les faiblesses que peu scrupuleux pour en profiter, Mazarin fut moins un grand ministre qu’un admirable diplomate, et il demeure le premier des hommes du second ordre.

Si le génie n’illumina point l’intelligence de Mazarin, si aucun souffle généreux n’échauffa son cœur, un bonheur sans égal le servit dans la perpétration de son œuvre. Durant dix-huit années de ministère, il n’avait poursuivi qu’un but, l’anéantissement de toutes les résistances au profit de l’autorité monarchique. À son lit de mort, il n’entretenait qu’une espérance, celle d’avoir pour successeur dans l’exercice du pouvoir le royal élève qu’il avait formé. Or ce but fut atteint, pour plus d’un siècle, et les premières paroles de Louis XIV en quittant la chambre mortuaire attestèrent que le vœu du cardinal allait recevoir la plus solennelle des consécrations.


III

De toutes les forces qui s’étaient si longtemps heurtées dans la société française, il n’y survivait plus qu’une royauté exercée par un prince de vingt-deux ans, qui était en même temps et le cavalier le plus brillant de son royaume et l’homme le plus convaincu de l’impiété de toutes les résistances. La bourgeoisie venait de voir s’évanouir sous la fronde les vagues espérances qu’elle conservait encore depuis la ligue. Introduite au XIVe siècle dans les assemblées de la nation, elle avait atteint dans les luttes du XVe l’apogée de son importance politique, car si depuis lors le tiers-état alla toujours grandissant en richesse et en lumières, sa place se restreignit de plus en plus dans la constitution de l’état. Une circonstance dont la portée a été trop peu comprise avait surtout concouru à ce résultat : la bourgeoisie française avait compromis son indépendance vis-à-vis de la royauté en se jetant dans les cours de justice au lieu de s’établir solidement sur le terrain des états-généraux ; elle avait donné au pouvoir prise sur elle, en développant outre mesure l’importance des compagnies judiciaires, au détriment de la véritable et légitime représentation nationale. N’ayant dès lors à invoquer, pour participer à l’action législative, que des titres aussi contestables que ceux