Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/915

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il parait singulier, au premier abord, que la science économique ait dû s’attacher à démontrer que le développement de la puissance productive est un bien pour la société en général, et pour un état en particulier; mais, il y a quinze ans, on n’était pas encore éloigné de l’époque où la France était accusée de trop produire, et où l’on ne savait trop s’il fallait se féliciter de l’application des machines. La démonstration faite par M. Michel Chevalier n’était donc pas superflue, et elle peut retrouver son utilité dans l’avenir; car, bien que la cause des machines soit complètement gagnée, bien que la pratique ait pleinement confirmé, en ce qui la concerne, l’enseignement de la théorie, il n’en est pas moins vrai que chaque conquête de la mécanique dans le domaine de l’industrie soulève, pendant quelque temps, des objections plus ou moins amères qui se produisent au nom et dans l’intérêt des classes ouvrières. N’avons-nous pas vu, pendant notre dernière crise révolutionnaire, les métiers brisés et les machines frappées d’anathème? Les leçons de M. Michel Chevalier sur les services que rendent les machines contiennent la réponse à toutes ces objections, dont le succès momentané a parfois exposé la société aux plus graves périls. Après avoir éclairci ce point fondamental, le professeur examine le rôle prépondérant que jouent dans la production les voies de communication et les moyens de transport, les routes, les fleuves et canaux, les chemins de fer. Les principes qu’il recommandait en 1842 pour la construction des voies ferrées, pour les tarifs applicables soit aux marchandises, soit aux voyageurs, en un mot pour la bonne organisation de l’industrie des transports, ont été généralement suivis. Les faits ont marché depuis cette époque. En Angleterre, aux États-Unis, en France, en Allemagne, l’exploitation des chemins de fer a pris un grand essor. Aussi M. Michel Chevalier a-t-il pensé que son cours devait être complété sur ce point, et il a accompagné ses leçons d’un appendice qui contient l’indication de tous les progrès accomplis, en Europe et aux États-Unis, dans l’industrie des voies ferrées. La seconde édition se trouve donc tout à fait au courant de la situation actuelle.

Mais ce qui donne le plus de prix à cette édition, c’est qu’elle contient la collection des discours prononcés par M. Michel Chevalier à l’ouverture de son cours, de 1841 à 1852. Ces discours n’avaient été jusqu’ici publiés que séparément. Réunis dans un même volume, ils présentent un vif intérêt. C’est un résumé complet de l’enseignement, un regard d’ensemble jeté sur la route que le professeur compte chaque année parcourir. M. Michel Chevalier a toujours apporté un soin particulier à la préparation de ces discours d’ouverture, qui attiraient autour de sa chaire un auditoire d’élite et qui lui ont mérité les plus légitimes applaudissemens. Il excelle en effet dans le développement des idées générales qui constituent ce que l’on pourrait appeler la philosophie de l’économie politique. Les considérations auxquelles il se livre sur le crédit public et le crédit privé, sur l’enseignement professionnel, sur la mission de l’économie politique envisagée dans ses rapports avec la liberté, avec la morale, avec l’esprit chrétien, sont à la fois saines et éloquentes. Cette variété de sujets, successivement abordés par le professeur, n’atteste-t-elle pas la fécondité de l’économie politique considérée comme science? Nous citerons encore une belle leçon sur la population et une