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vigoureuse défense de l’économie politique prononcée à l’ouverture du cours de 1848-49 (la date est significative) et intitulée l’Économie politique et le Socialisme. La plupart de ces discours ont déjà reçu une grande publicité, mais ils gagnent à être ainsi rapprochés les uns des autres dans une édition collective, où l’on suit mieux l’enchaînement des idées et des faits. Il y a d’ailleurs dans ces anciennes leçons de nombreux passages qui sembleraient écrits d’hier et qui pourraient être utilement médités aujourd’hui. Voici ce que M. Michel Chevalier disait, en 1844, sur la question de l’emprunt : « L’emprunt est une opération indispensable à tout gouvernement qui, ayant tendu fortement la corde de l’impôt, est contraint par les circonstances à se procurer une somme plus forte encore. L’emprunt sied à un gouvernement qui va subir une guerre, et qui a de grands préparatifs à faire, de puissans armemens à organiser. Il se recommande parfaitement aussi à un gouvernement qui, voulant utiliser les loisirs de la paix, s’est proposé d’achever dans un court délai de vastes améliorations, et se conduit d’après cette maxime, que le gouvernement le plus économe n’est pas celui qui dépense le moins, mais bien celui qui dépense le mieux. En parlant ainsi, je ne suis pourtant point de ceux qui pensent qu’une dette est utile, et qu’un peuple endetté est dans de meilleures conditions qu’un peuple qui ne doit rien. Je ne partage point ce système optimiste, qui a, même parmi les hommes d’état, plus d’un prosélyte. Si cette opinion, que je repousse, a acquis quelque consistance et a séduit quelques têtes politiques, c’est par l’effet d’une illusion. On a été frappé de quelques avantages indirects qui ressortaient de l’existence d’une dette publique, et on a conclu qu’un état bien constitué ne pouvait se passer d’une forte dette; mais c’est faute d’avoir tenu compte d’une des lois qui président à l’ordre général des sociétés du monde, et qui attestent le plus hautement les pensées bienveillantes de la Providence, à savoir qu’il n’est pas d’événement funeste qui n’ait quelque aspect avantageux, et que les catastrophes les plus désastreuses font cependant éclore quelques germes de bien. Là où existe une dette publique un peu forte, surtout si elle est divisée, un grand nombre de citoyens, détenteurs des titres de cette dette, se trouvent directement intéressés au maintien de l’ordre et à la conservation du gouvernement. Puis encore, les titres de rentes offrent un placement commode qu’on est bien aise de rencontrer dans beaucoup de circonstances, et qui répond à divers besoins publics, à diverses convenances sociales; ou enfin ces mêmes titres interviennent dans beaucoup de transactions pour les simplifier ou les faciliter. Mais ce ne sont là que de faibles compensations à l’inconvénient de prélever tous les ans sur le fruit des labeurs des citoyens, ici une somme de 200 millions, comme en France, là l’effrayante somme de 700 millions, comme en Angleterre. Enfin les avantages sur lesquels on se fonde pour recommander une dette publique seraient faciles à retrouver par une autre voie; le mécanisme des sociétés de notre temps se compose d’un nombre de ressorts assez grand pour qu’on puisse obtenir les mêmes effets par une grande variété de combinaisons. »

Telles sont les maximes que professe, en matière d’emprunt, l’économie politique. Nous pourrions multiplier les citations, si nous avions à démontrer ici l’utilité d’une science dont l’objet se rattache si directement à la