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générale des continens. Il faut connaître la loi qui préside à ces changemens, si l’on veut expliquer les événemens qui ont tracé la forme présente de la Hollande. Cette loi, la voici : — deux grandes forces sont en antagonisme perpétuel sur notre globe, les neuves et la mer. La masse des eaux courantes rencontre aux embouchures l’action opposée des vagues, des marées et des sables. Plus que tout autre endroit du globe, la Hollande se trouve être, depuis son origine, le théâtre de cette lutte naturelle ; on peut même dire que l’existence du sol néerlandais est due, en grande partie, à la rivalité du Rhin et de l’Océan. L’histoire du fleuve mérite, à ce point de vue, toute notre attention, car elle se lie à l’histoire physique de la contrée que nous cherchons à connaître.

Nous avons vu par quels obstacles les eaux avaient été retenues : une fois le passage ouvert, on vit commencer l’opposition séculaire de l’Océan et du Rhin. D’abord ce fut le fleuve qui obtint l’avantage, l’Océan recula. Tous les géologues savent que la puissance des rivières est assez forte pour jeter dans la nier des terrains d’alluvion qui prolongent, au bout d’un certain nombre de siècles, l’extrémité des continens. Le sol de la Hollande se constitua et s’étendit en vertu de ce mécanisme. Formée des sables voyageurs que le Rhin apportait de l’Allemagne, la Hollande a flotté, si l’on ose ainsi parler, dans les eaux du fleuve, tenue quelque temps en suspension par la rapidité orageuse du courant, puis déposée couche par couche au sein de l’Océan, qui battait en retraite. Les progrès du delta ne s’accomplirent d’ailleurs qu’à travers des réactions immenses. Les eaux douces et les eaux salées se disputaient, tour à tour le terrain occupé maintenant par les deux plus riches provinces des Pays-Bas. Cependant le fleuve conservait une supériorité marquée, il refoulait la mer : tout annonce que le niveau relatif de la côte et des marées différait alors de ce qui existe maintenant Puis, par un de ces reviremens de la fortune qui atteignent les puissances mêmes de la nature, le résultat de cette lutte paraît avoir tourné, depuis deux mille années, en faveur de l’Océan. Le Rhin a été vaincu, il traîne dans le cours humilié de ses eaux le sentiment de sa décadence. Entendez-vous sa plainte ? Cette plainte, ce murmure étouffé des flots qui se souviennent de leur grandeur passée, tout cela ressemble à de la poésie, mais tout cela est en même temps de l’histoire. Le Rhin, dont il est si souvent parlé dans les auteurs du XVIIe siècle, finit, comme le règne de Louis XIV, par la division et l’amoindrissement.

On pourrait comparer le cours des fleuves à celui de la vie humaine : ils ont une enfance, une jeunesse, une caducité. La vieillesse du Rhin ne manque, elle, ni de mélancolie, ni de grandeur. Au nord de Clèves, un peu au-dessous du village de Pannerden, ce fleuve