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espèce d’exploitation est impossible, faute de moyens de communication et de transport. Dix millions dépensés dans ces forêts pour les mettre en bon état de viabilité auraient pour résultat d’augmenter de 2 millions par an le prix des produits sur place. Voilà le déficit tout à fait comblé.

Il est enfin un dernier service que l’administration des forêts peut rendre au pays, si l’on met quelques fonds de plus à sa disposition : c’est le reboisement des montagnes. L’utilité et la nécessité de cette opération sont depuis longtemps reconnues. Tous les travaux préparatoires ont été faits sous l’ancien gouvernement, les terrains à reboiser reconnus, les frais évalués ; un projet de loi spécial a été préparé par l’administration et accepté avec quelques modifications par le conseil général de l’agriculture ; les chambres même ont été saisies de la question en 1847. Sans la révolution de février, on serait depuis longtemps eu cours d’exécution. Il s’agit de 1,200,000 hectares à reboiser, et, à raison de 80 francs par hectare, d’une dépense de 96 millions, qui, au bout d’un siècle, se transformeraient en plusieurs milliards, en même temps qu’on défendrait les vallées et les plaines contre les inondations. Depuis 1848, cet utile projet est resté dans les cartons ; l’administration n’a pu employer par an qu’une misérable somme de 100,000 francs en reboisemens. Cette année seulement, on lui a accordé 500,000 francs de plus ; ce n’est pas assez : il faut au moins 4 ou 5 millions par an pour faire quelque chose de sérieux. Espérons qu’un moment viendra où il sera possible de les consacrer à ce fructueux emploi.

Quelques exemples partiels montrent déjà comment il faudrait s’y prendre et quels résultats on pourrait obtenir. Le plus saillant se passe dans le département du Puy-de-Dôme, où l’on a entrepris depuis dix ans de reboiser les montagnes incultivables du canton de Clermont. On en plante environ 60 hectares par an, au coût moyen de 70 francs, en pins, épicéas et mélèzes, avec un succès complet. Une belle forêt de 600 hectares commence à s’élever sur des terrains tout à fait improductifs auparavant, et à donner quelques revenus qui iront en s’accroissant au grand profit des intérêts locaux comme de l’intérêt public. Cet exemple peut servir à vaincre sur d’autres points la résistance des communes, propriétaires de la plupart des terrains à reboiser, et pour le cas extrême où elles refuseraient absolument de s’y prêter, l’administration était armée, dans le projet de loi, du droit d’expropriation pour cause d’utilité publique, qui ne peut trouver nulle part une plus juste application.

Voilà, je crois, la marche à suivre pour rétablir et accroître notre capital forestier. Quant à l’interdiction de défrichement sans autorisation imposée aux particuliers, qui a encore quelques partisans, c’est un de ces remèdes mal conçus qui n’ont aucune efficacité, qui