représentation de leurs œuvres, avaient une foi littéraire. Il y avait des orages parce qu’il y avait des convictions. Aujourd’hui l’amusement et l’ennui dominent toutes les questions ; Pourquoi donc les écrivains animés de convictions sérieuses ont-ils abandonné l’interprétation poétique de l’histoire ? C’est leur indolence, leur apathie qui a suggéré à M. Scribe le projet de chercher dans le passé le thème de ses compositions. Je ne réveillerais pas le souvenir de la Czarine, si je ne voyais dans cet ouvrage une preuve de la torpeur littéraire. Pourquoi M. Ponsard, qui avait obtenu un si légitime succès en nous montrant la mort héroïque de Charlotte Corday, a-t-il renoncé au drame historique ? Est-ce qu’il garde rancune au public de l’échec éprouvé par Agnès de Méranie ? Vraiment il aurait grand tort. Les applaudissemens prodigués à sa comédie de l’Honneur et l’Argent ne doivent pas l’aveugler. La comédie n’est pas son fait : je crois pouvoir affirmer que ce dernier ouvrage ne soutient pas la comparaison avec le quatrième acte de Charlotte Corday. L’entretien de Marat, de Danton et de Robespierre est la plus haute inspiration, l’imagination la plus heureuse qu’il ait rencontrée, et pour exprimer sa pensée, il a trouvé un langage harmonieux et poétique, un style plus animé, plus coloré que celui de Lucrèce. Ses amis parlaient d’une Inès de Castro. J’aime à penser qu’il n’a pas abandonné sans retour cet épisode émouvant, qui jusqu’à présent n’a pas encore été mis en scène de façon à contenter tout à la fois les hommes de goût et la foule. Qu’il ne touche plus à Homère, qui lui a porté malheur. Qu’il revienne à l’histoire et qu’il laisse la comédie à M. Émile Augier, à M. Jules Sandeau, à M. Octave Feuillet. Qu’Inès de Castro réussisse comme Charlotte Corday ; et M. Ponsard oubliera sans peine les mésaventures dramatiques d’Ulysse et d’Agnès de Méranie.
Il y a dans les Jeunes Gens de M. Léon Laya de l’esprit et de la gaieté. Si cet ouvrage n’eût pas été représenté sur le Théâtre-Français, l’indulgence pourrait aller jusqu’à l’éloge ; la scène choisie par l’auteur nous oblige à dire qu’en traitant une donnée très vraie, il n’a pas toujours rencontré le ton de la comédie. Le sujet de sa pièce, sans être précisément neuf, ne manque pas d’intérêt. Il s’agit de prouver que, pour gouverner la jeunesse, la confiance vaut mieux que la sévérité. Je reconnais volontiers que cette idée, quoique déjà traitée plusieurs fois, a trouvé dans M. Laya un spirituel interprète ; cependant il se méprendrait s’il croyait avoir écrit une œuvre littéraire dans l’acception la plus élevée du mot. Les applaudissemens qu’il a obtenus ne doivent pas l’abuser : le talent des comédiens est au moins pour moitié dans le succès des Jeunes Gens. Telle plaisanterie qui convient au Palais-Royal, qui se tolère sans difficulté au Gymnase, ne saurait être acceptée rue Richelieu. M. Laya, s’il veut