écrire pour le Théâtre-Français, fera bien de se montrer plus scrupuleux. Il trouve sans peine un bon mot ; mais, parmi ceux qui s’offrent à lui, il ne fait pas un triage assez sérieux. Sa pièce est plutôt un vaudeville sans couplets qu’une comédie. L’auteur ne va jamais au fond de sa pensée, soit qu’il manque de force ou qu’il cède à l’entraînement de l’habitude. Lorsqu’on a dépensé son esprit en menue monnaie pendant dix ans, on a grand’peine à changer de méthode, je ne l’ignore pas, et M. Laya, en commettant les fautes que je signale, n’a fait qu’obéir à la loi commune. Je suis même convaincu qu’il n’a rien négligé pour se dégager de son passé ; cependant il n’a pas encore touché le but. L’hilarité du parterre et des loges est un gage de succès, ce n’est pas un gage de durée. Je ne parle pas de quelques expressions hasardées par l’auteur, et que la langue écrite n’accepte pas ; je me contente de juger son œuvre en me plaçant au point de vue scénique. Eh bien ! en négligeant même les questions de style, que les écrivains dramatiques sont trop habitués à dédaigner, on ne peut prendre les Jeunes Gens pour une composition comique ; l’auteur s’est contenté de la surface des choses, et ne s’est pas attaché au dessin des personnages. Le seul caractère vivant, le seul qui anime la scène, et qui semble tracé d’après nature, est celui de Francisque Rigaud. Celui de Max Delorme rappelle vingt caractères que nous avons déjà vus au théâtre, et que nous chercherions vainement dans le monde. Antonin Delorme, oncle modèle, oncle parfait, oncle généreux, se conduit en revenant de Calcutta comme s’il revenait d’Amérique. Tout en admirant l’excellence de ses sentimens, il m’est impossible de le prendre pour un personnage nouveau. J’ajouterai néanmoins que Provost, chargé de ce rôle, a trouvé moyen de le rajeunir, et l’auteur, en voyant le succès du comédien, a pu croire qu’il avait mis la main sur une idée neuve. La représentation des Jeunes Gens est donc un événement sans importance dans l’histoire du Théâtre-Français. Cette pièce, écoutée avec indulgence, avec plaisir, ne soulève aucune question. Ce qui a tout d’abord concilié à l’auteur la sympathie de l’auditoire, c’est l’absence de toute prétention. Sa gaieté, parfois vulgaire, n’a jamais rien de laborieux ; le dialogue, qui n’est pas toujours correct, demeure toujours naturel. M. Laya ne vise ni très haut ni très loin, mais il ne manque pas d’adresse.
La comédie de M. Legouvé, remplie d’excellens sentimens, ne justifie pas le titre qu’elle porte, Par droit de conquête. Je ne devine pas pourquoi George Bernard s’attribue la conquête d’Alice. À mon avis, il n’y a pas dans l’ouvrage entier une scène qui explique cette prétention. Parlons franchement : l’auteur n’a pas traité le sujet qu’il avait choisi. En s’adressant aux sentimens éternels sur lesquels