Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


35 Leucothéa Luther 19 avril 1855
36 Atalante Goldschmidt 5 octobre 1855
37 Fidès Luther 5 octobre 1855

M. Arago avait exprimé la crainte que les noms mythologiques ne vinssent à manquer aux individus de ce groupe qui sont désignés maintenant par leur numéro d’ordre, suivant la série des époques de leur découverte, d’après la désignation introduite par le savant astronome américain M. Gould. Cependant, comme il y a souvent deux planètes découvertes le même jour, car chaque astronome faisait sa chasse dans une région différente du ciel dans la même nuit bien sereine, il est bon de leur conserver un nom mythologique qui les distingue exclusivement. Les noms de Palès, d’Aréthuse, de Doris, d’Aglaé, de Terpsichore, sont encore vacans ; mais au besoin on trouverait dans Hésiode, dans Homère et dans les dictionnaires de la fable environ deux ou trois cents noms de nymphes, de divinités, de femmes célèbres qui ne dépareraient pas cette liste céleste. Les Américains ont vivement réclamé et réclament encore contre l’adoption du nom de Victoria pour la planète qui porte le n° 12, d’autant plus que M. Hind, qui l’a découverte, avait indiqué le nom de Clio pour remplacer celui de Victoria, au cas où l’on aurait quelque répugnance à un nom de souveraine. Sans vouloir rien préjuger sur les convenances, on peut se féliciter qu’aucune des planètes trouvées à l’observatoire de Paris n’ait reçu le nom de l’impératrice Eugénie, quoique le mot soit parfaitement grec. En attendant la décision de la postérité, la planète n° 12 porte les deux noms de Victoria et de Clio. Les satellites de Jupiter avaient été baptisés par Galilée astres de Médicis (Medicea sidéra) en l’honneur du grand-duc de Toscane : cette dénomination a disparu depuis longtemps ; mais que dire du nom imposé par M. le maire de Dusseldorff à la dernière petite planète découverte par M. Luther, astronome de l’observatoire municipal de cette ville ? Comment, voilà une planète qui se nomme Fidès, la foi ! Sans doute c’est la foi luthérienne ! Et puisque M. Luther est l’un de ces descendans du fameux Luther que le roi de Prusse fait élever chaque année à ses frais, il est juste qu’il y ait dans la découverte quelque chose qui rappelle le fougueux ennemi des indulgences qui partagea la chrétienté en deux camps. Cependant il est curieux de voir la foi chrétienne en compagnie de Leucothéa, de Proserpine, de Thélis et de Bellone, autres planètes précédemment découvertes par M. Luther. Il ne reste plus qu’à faire arriver l’espérance et la charité avec la foi, pour avoir toutes les vertus théologales dans le ciel païen avec Mercure, Vénus, Mars et Jupiter. Il ne faut donc pas adopter ce nom bizarre. À la vérité, je trouve dans Horace ce vers :

Incorrupta Fides nudaque Veritas,


avec des lettres majuscules pour Fides et Veritas, Malgré tout ce qu’on pourra dire, ces divinités n’ont point généralement droit de bourgeoisie dans la cité céleste où règne Jupiter. Vivons donc dans l’espérance que M. le maire de Dusseldorff voudra bien avoir la charité de renoncer à sa foi planétaire pour ne point la compromettre dans un ciel très peu chrétien. Je ne rappellerai point ici les anathèmes d’Arago contre l’esprit échevin, notez que je ne dis pas contre l’esprit des échevins, qui, pris individuellement, du moins