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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1147

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à Paris, sont pour l’esprit comme pour la distinction à la tête de la cité, comme ils le sont municipalement.

Il y a plus d’importance qu’on ne croit à ne pas laisser corrompre une langue scientifique. Le grand Cuvier (de l’Académie française !) n’a-t-il pas dépoétisé toute la création antédiluvienne par ses mégathérium, ses anoplothérium, ses ptérodactyles, ses mastodontes, de manière à rendre à peu près illisibles les annales merveilleuses de la vie dans les âges géologiques qui ont précédé le nôtre. La botanique en est à peu près là aussi, et quand les écrivains veulent peindre une nature tropicale, Dieu sait quels noms ils rencontrent. Comment décrire un bosquet tapissé de Boussingaultia baselloïdes ? Dans nos admirables expositions d’horticulture pourquoi tant de noms pédantesques, moitié latins et moitié modernes, pour défigurer les plus belles productions de la nature ? Conservons au moins le ciel à l’euphonie, si la barbarie envahit toute la terre.

Voici donc quatre nouvelles planètes découvertes en 1853, six en 1854 et quatre dans les onze premiers mois de 1855. C’est un honorable résultat. Comme les plus brillantes ont sans doute été vues les premières, on comprend que l’ordre des chiffres qui indique le rang de la découverte est aussi approximativement celui de l’éclat de ces petits astres. C’est un des avantages de la notation de M. Gould.

Ces dernières années ont fourni leur contingent habituel de comètes, savoir trois ou quatre par année ; mais la grande comète de 1260 et de 1556, qui devait reparaître en 1848 et qui a été ajournée à 1858 avec deux ans en plus ou en moins, pourra peut-être nous revenir dès 1856. Ce sera une belle conquête pour l’astronomie solaire qu’un astre dont la révolution est de trois cents ans. et qui, après avoir visité la terre sous le règne de Charles-Quint et de Henri II, nous revient sous le règne de Napoléon III et de Victoria, pour reparaître encore dans trois siècles. Quelle belle exposition universelle cette comète verra l’an 2158 à son retour subséquent !

Ce sont encore les comètes qui vont nous fournir du nouveau et même du nouveau fort extraordinaire : la comète de Vico qui devait reparaître en août dernier est perdue ! Un astre perdu ! et comment ? D’abord la chose est-elle possible ? Qui a pu faire disparaître cette comète ? Qu’est-elle devenue ? N’a-t-on point déjà quelques exemples antérieurs d’une pareille catastrophe ? Les astres ne meurent pas comme les hommes, a dit Pline, et dans le ciel, où nul obstacle ne vient s’opposer à la marche des astres, quelle incroyable fatalité peut en faire disparaître un, dont la révolution est fixée, le retour prévu et les perturbations calculées en détail ? C’est pourtant ce qui vient d’arriver cette année. Cette comète tant cherchée en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et sous le ciel exceptionnel de Rome, enfin en Russie, avec de très puissans instrumens, cette comète, qui devait être très brillante cette année, a été invisible. Les atomes en ont sans doute été disséminés dans l’espace céleste. Tout le monde s’accorde à la regarder comme perdue, irrévocablement perdue. Voici l’historique de ce curieux événement.

En adoptant le principe qu’une comète n’est définitivement acquise au domaine du soleil que quand elle a été observée pendant deux retours dans la proximité de cet astre, quatre comètes seulement peuvent être comptées comme appartenant au système solaire, ce sont celles qui portent les noms