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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1158

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l’ouverture des chambres prussiennes. Le roi de Prusse veut bien maintenir les déclarations qu’il a faites, mais sans contracter des engagemens dont on ne pourrait prévoir ni la portée politique, ni la portée militaire. C’est là ce que sa majesté prussienne appelle prendre une attitude indépendante, de nature à préparer une paix équitable et durable. Il serait curieux de savoir si le cabinet de Vienne accepte la solidarité dans laquelle le roi Frédéric-Guillaume l’enveloppe avec la confédération germanique tout entière. L’Autriche, en effet, a une position particulière au-delà du Rhin ; plus que toute autre puissance allemande, elle doit avoir à se prononcer dans la situation actuelle. Il est évident que la politique qu’elle a suivie jusqu’ici perdrait de son crédit par son inefficacité même, si elle se prolongeait. Les puissances occidentales n’ont point douté de l’Autriche ; on en pourrait douter pourtant, à voir cette dextérité singulière avec laquelle le cabinet de Vienne passe à travers toutes les difficultés d’un rôle resté malgré tout assez énigmatique. Il s’est présenté à bien des esprits, difficiles peut-être, une hypothèse qui ne laisse point d’avoir son prix : c’est que toute la politique de l’Allemagne et de l’Autriche pourrait consister à laisser la France et l’Angleterre d’un côté, de l’autre la Russie, épuiser leurs forces dans la lutte, pour s’interposer ensuite et faire prévaloir ce qu’on nomme l’intérêt, allemand sans faire d’inutiles sacrifices. L’hypothèse est absurde sans doute ; elle indique cependant une situation qui ne peut pas durer. Si l’Allemagne a des intérêts dans la question qui s’agite, c’est sous son drapeau qu’ils doivent s’abriter et vaincre. Au point de vue purement allemand, c’est là même une habileté qui peut devenir dangereuse. Elle a réussi jusqu’à présent, cela est vrai ; mais ne pourrait-elle pas conduire l’Allemagne à des difficultés terribles avec la Russie aussi bien qu’avec les puissances de l’Occident ? De la sorte la politique des cabinets germaniques aurait le résultat singulier de préparer à l’Allemagne des conflits avec tout le monde, sous prétexte d’épuiser toutes les combinaisons de la neutralité, et de rendre la conflagration actuelle plus gigantesque sous prétexte de travailler à la paix.

Soit que l’Allemagne se prononce résolument aujourd’hui, et contribue ainsi au rétablissement de la paix, soit qu’elle hésite encore, et qu’elle laisse à la Russie la ressource de continuer à s’abriter derrière son immobilité, l’alliance des puissances occidentales subsiste. Elle s’est manifestée par des faits publics et éclatans, comme aussi par ces visites de souverains qui se sont succédé. Le roi de Sardaigne vient à son tour de faire un voyage à Paris, où il a passé quelques jours à peine. Le roi Victor-Emmanuel a été accueilli avec une intime et sérieuse cordialité. Il méritait cet accueil pour la décision avec laquelle il est entré le premier dans l’alliance européenne, et il le méritait encore pour son caractère comme souverain. Le roi Victor-Emmanuel a recueilli l’héritage de cette popularité qui a toujours entouré au-delà des monts la maison de Savoie. Souverain d’un royaume constitutionnel, sa loyauté a singulièrement contribué à affermir les institutions libres données au Piémont par Charles-Albert, et c’est peut-être cette loyauté qui est le meilleur gage de la durée de ces institutions. Chose remarquable, dans la lutte si inopinément ouverte avec la Russie, où la France a-t-elle trouvé des alliés et des amis ? C’est surtout dans les pays libres. Quels sont les sou-