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Il est enfin une dernière difficulté qu’on a un peu atténuée par la loi nouvellement rendue pour contraindre le propriétaire du fonds inférieur à livrer passage, moyennant indemnité, aux eaux surabondantes du fonds supérieur ; mais cette difficulté, on ne l’a pas détruite : je veux parler du morcellement d’une partie du sol. Ce morcellement a deux formes, l’une dont les avantages balancent au moins les inconvéniens, la petite propriété ; l’autre qui n’a guère que de mauvais effets, la division parcellaire. Ni l’une ni l’autre ne sont absolument incompatibles avec le drainage, mais elles compliquent beaucoup la question, surtout la seconde. Quand pour poser une ligne de drains, il faut traverser cinquante parcelles appartenant à des propriétaires différens, ou tout au moins enchevêtrés les uns dans les autres, c’est une grosse affaire, même avec la nouvelle loi. On s’en tirera sans nul doute, mais avec le temps ; les avantages d’un bon égouttement sont tels qu’ils triompheront peu à peu de toutes les résistances. Reconnaissons seulement que les difficultés existent, et ne nous étonnons pas que le drainage ne s’étende pas plus rapidement.

Je regrette qu’on n’ait pas donné aussi quelque spécimen d’un autre genre de travail qui n’a pas moins d’utilité, l’irrigation. L’eau est à la fois le trésor et le fléau de l’agriculture ; il y a autant d’avantage à en fournir aux sols qui en manquent qu’à la retirer de ceux qui en ont trop. Un jour viendra, je n’en doute pas, où l’industrie humaine suppléera dans la grande culture, comme elle fait déjà dans le jardinage, aux caprices de la pluie, et où les végétaux recevront à point nommé, quel que soit l’état du ciel, les arrosages dont ils ont besoin. Dans ce temps-là, on verra des miracles de production, car la différence entre un printemps pluvieux et un printemps sec peut être énorme pour les céréales, comme pour les autres fruits de la terre. L’art d’emmagasiner les eaux et de les distribuer à volonté est l’art nourricier par excellence, surtout dans le midi. En Andalousie, on sème souvent plusieurs années sans rien recueillir, parce que l’eau manque au printemps ; une fois en trois ou quatre ans il pleut à propos, et la récolte de cette seule année compense toutes celles qu’on a perdues.

Un homme beaucoup plus compétent que moi dans ces matières, M. Babinet, a donné ici même la recette pour créer à volonté des sources artificielles. Voilà tout un monde qui se découvre pour les pays arides. Ce procédé si simple n’est plus seulement une théorie ; il a été mis en pratique en Angleterre, et je crois aussi en Belgique, et ce n’est pas là qu’il est appelé à produire le plus grand effet. Avant la révolution de 1848, l’attention du gouvernement et des chambres s’était portée sur les avantages de l’irrigation ; de nombreux projets étaient à l’étude, on avait même commencé à en exé-