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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1181

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dans quelles circonstances. Au mois de février 1849, le général autrichien Puchner fût complètement battu aux environs d’Hermanstadt par Bem, qui avait réussi à le séparer des Russes commandés par le colonel Skariatin. Poussé l’épée dans les reins, il fut contraint de chercher un refuge sur le territoire de la Valachie, que sa neutralité aurait cependant dû faire respecter. Puchner et Skariatin furent tous deux récompensés, l’un pour n’avoir pas désespéré de l’Autriche dans les mauvais jours, l’autre parce que la Russie ne pouvait pas admettre que ses troupes eussent été battues par les insurgés magyares. De tout temps, dans la guerre comme dans la diplomatie, on a vu des défaites récompensées comme des succès. Les soldats de Puchner entrèrent ou plutôt se précipitèrent en désordre dans le défilé de la Tour-Rouge, et, n’étant plus contenus par leurs officiers, se livrèrent, dans les villages qu’ils traversèrent ou qu’ils occupèrent, à tous les excès, à toutes les violences d’une soldatesque indisciplinée. On allégua pour les excuser le complet dénûement dans lequel ils se trouvaient, et le gouvernement valaque, de concert avec les autorités ottomanes et russes, déploya une grande activité pour venir à leur secours. Le gouvernement autrichien reconnut ces services par des récompenses honorifiques dont il avait été jusque-là fort avare, mais qui, à partir de cette époque, furent décernées avec assez de prodigalité, surtout dans l’armée russe et l’administration valaque. Fuad-Effendi reçut la couronne de fer de première classe, ainsi que le général Du Hamel. Constantin Cantacuzène, qui était caïmacan de la principauté, eut la croix de commandeur de Saint-Léopold, et le consul-général de Russie, M. de Kotzebue, qui, fidèle au génie paternel, avait joué la comédie sur le théâtre de Bucharest au profit des soldats de Puchner et des vaincus de Bem, eut la couronne de fer de seconde classe. Omer-Pacha fut seul oublié, et il n’eut pas le bon goût ou la dignité de se taire ; il fit entendre des plaintes amères et saisit bientôt l’occasion de se venger.

Lorsque l’insurrection magyare fut vaincue, bien plus par la discorde et l’esprit injustement exclusif des Hongrois que par les armes russes, les chefs de cette insurrection se retirèrent sur le territoire valaque et ottoman par toutes les issues que gardaient les officiers du corps d’armée d’Omer-Pacha, et furent reçus par son ordre avec des honneurs qui irritèrent les Russes comme les Autrichiens, qui firent prévoir aussi les longues discussions que devait soulever un peu plus tard l’affaire des réfugiés. Omer-Pacha ne s’en tint pas là. Une foule de réfugiés obscurs, et qui n’étaient réclamés ni par l’Autriche ni par la Russie, — Hongrois, Allemands, Polonais, — affluaient à Bucharest et apostasiaient publiquement dans le palais occupé par Omer-Pacha, devenu la principale autorité ottomane en Moldo-Valachie