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ce que leur accorda Omer-Pacha. C’était la scène du baiser Lamourette renouvelée en Bosnie par des acteurs dont la plus grande partie ignorait certainement l’histoire de l’assemblée constituante.

Deux jours après arriva Ali-Pacha ; il se fit rendre compte du nouvel état de choses qui devait être introduit en Bosnie et en Herzégovine, prit connaissance du firman impérial, promit de conformer sa conduite aux ordres de la Porte et prêta lui-même serment de fidélité entre les mains d’Omer-Pacha et en présence du grand mejlis. Le retard d’Ali-Pacha avait rendu les Bosniaques fiers et hautains ; mais en le voyant arriver, ils commencèrent à douter de sa fermeté, et le parti des beys perdit courage. Cependant les pachas et les hauts fonctionnaires bosniaques-herzégoviens s’entendirent en secret avec le nouveau gouverneur civil, Hafiz-Pacha, le même qui avait été battu par Ibrahim-Pacha et Soliman-Pacha à Nezib, partisan du système rétrograde et ennemi personnel d’Omer-Pacha. Leur abattement cessa, et ils partirent avec de nouveaux plans et de nouvelles espérances. Chacun retourna dans son district sous prétexte de veiller à la fourniture des vivres et aux autres besoins de l’armée d’occupation ; mais dès les premiers jours ils firent valoir les nombreuses difficultés qui les empêchaient de tenir leurs promesses, et Omer-Pacha fut obligé d’envoyer dans les districts des officiers d’état-major pour faire exécuter ses ordres. Cette mesure donna lieu à des collisions, d’ailleurs fréquentes en Turquie, où les employés civils et militaires agissent chacun suivant sa volonté, sans intérêt et sans profit pour le gouvernement. Omer-Pacha, ne pouvant compter sur le concours de l’autorité civile, voulut veiller lui-même aux besoins de ses troupes. Hafiz-Pacha ne vit pas sans plaisir les difficultés qu’il rencontrait, et exigea que tout passât par ses mains. Moins de quinze jours de la réunion des deux chefs avaient suffi pour mettre la confusion dans les affaires, et après trois semaines les rapports entre les deux gouverneurs étaient tels qu’en plein conseil ils se renvoyaient les aménités les moins polies, et se séparaient avec des projets de vengeance. Omer-Pacha reprochait à Hafiz-Pacha de lui susciter des embarras, et celui-ci reprochait à Omer-Pacha de vouloir ruiner les bons Bosniaques musulmans. D’injure en injure, Hafiz-Pacha appela le commandant en chef infâme renégat, et celui-ci traita Hafiz-Pacha de vieille bête de somme.

Il entrait dans les plans d’Omer-Pacha, au cas même où les notables bosniaques se fussent montrés plus soumis, de parcourir le pays avec un appareil militaire imposant, d’abord pour montrer aux Bosniaques son activité et leur inspirer le respect, ensuite pour ne pas laisser ses troupes s’amollir dans la vie des camps. Dès le 18 août 1850, craignant que les pachas et les beys ne le laissassent