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sans vivres, il entreprit de faire une expédition dans la Craïne, contrée doublement importante sous le rapport politique et militaire, et s’avança par Travnik, Soitza et Bania-Luca sur Priédor. Cette tournée produisit son effet et lui procura des vivres pour une année. Non-seulement il força par sa présence le mejlis à fournir sans retard le double de la quantité de blé qui avait été commandée, mais il entrava aussi l’exportation des céréales en Autriche en mettant arrêt sur les magasins de l’état et des particuliers. Pendant qu’Omer-Pacha obtenait de bons résultats de son excursion, les affaires se brouillaient à Serajevo. Hafiz-Pacha, déjà dénoncé à la Porte par le commandant en chef à raison de son mauvais vouloir et accusé de conspirer avec les primats bosniaques, avait donné aussitôt après le départ d’Omer-Pacha des preuves non équivoques de son entente avec le parti des beys ; il était parvenu même à mettre dans ses intérêts le commandant de la garnison de Serajevo. C’était un motif plus que suffisant pour qu’Omer-Pacha demandât à la Porte la destitution d’Hafiz-Pacha ; mais avant qu’elle arrivât, Omer-Pacha se vit obligé de se rendre en toute hâte à Serajevo pour comprimer un soulèvement populaire contre la garnison qu’il y avait laissée. Il partit donc à l’improviste avec une petite escorte et parut à Serajevo, où sa seule présence mit fin à toutes les mutineries. Huit jours plus tard, c’est-à-dire le 6 octobre, arriva de Constantinople le firman de destitution d’Hafiz-Pacha, nommé gouverneur civil du pachalik d’Andrinople, un des plus considérables de la Turquie d’Europe.

L’administration d’Hafiz-Pacha n’avait duré que deux mois. Pendant ces deux mois, Hafiz avait non-seulement conservé les plus mauvais employés de Tahir-Pacha, mais il avait placé tous les misérables qui composaient sa suite. Hafiz-Pacha partit en toute hâte pour son nouveau gouvernement, sans prendre congé d’Omer-Pacha et sans lui remettre la direction des affaires civiles, mais non sans avoir presque ouvertement excité Ali-Pacha et les autres chefs bosniaques à une levée de boucliers. Aussi, à partir du mois de septembre 1850, la situation de la Bosnie faisait appréhender un soulèvement général, et Omer-Pacha craignit avec raison d’être exposé pendant l’hiver à des attaques de la part des Bosniaques. Il en était très préoccupé, et malgré sa tendance à temporiser, il résolut de brusquer la guerre civile. Il chercha donc à exciter Mustahi-Bacha et Mahmoud-Pacha, qui se préparaient en secret, afin d’avoir, en les poussant à des actes d’hostilité ouverte, des motifs suffisans pour attaquer les rebelles. Dans la guerre, l’audace est quelquefois de la prudence. Au surplus il est naturel de penser qu’Omer-Pacha n’aurait pas vu avec plaisir la soumission pacifique de la Bosnie. Son amour-propre et son ambition lui faisaient