Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rechercher les difficultés et les triomphes. Pour rester volontairement dans l’obscurité quand on peut passer le seuil de la gloire, il faut une grandeur native dans le caractère ou avoir ressenti de bonne heure la tristesse qui s’empare des âmes d’élite, quand elles voient sur quels fronts s’égarent quelquefois les rayons de la renommée.

Avant de raconter les opérations militaires d’Omer-Pacha, il ne sera pas inutile de dire quelques mots des rapports de l’Autriche avec la Bosnie. L’Autriche a toujours eu le droit, en vertu de ses traités avec la Porte, d’avoir des agens consulaires en Bosnie et en Herzégovine pour la protection de ses intérêts politiques et commerciaux ; mais jusqu’en 1850 elle n’avait aucun agent dans ces provinces. Le motif de cette abstention semble avoir été la haine implacable que les Bosniaques ont de tout temps portée aux Autrichiens, et qui était telle que la Porte-Ottomane n’avait pu garantir au cabinet de Vienne l’inviolabilité de ses consuls, attendu que les Bosniaques pouvaient se porter contre les agens de l’Autriche à de graves voies de fait, ce qui eut lieu malheureusement il y a peu d’années. L’occupation du pays par Omer-Pacha parut donner suffisamment de garanties au cabinet de Vienne pour qu’il demandât au divan l’installation de ses consuls, qui reçurent en effet leurs bérats de la Porte-Ottomane. Le cabinet d’Autriche nomma un consul-général en Bosnie, M. Demitri Athanascowitz, Slave de naissance, grec de religion, et, si nous ne nous trompons, proche parent de l’archevêque de Carlowitz. D’abord agent à Galatz, plus tard à Trébisonde, consul en Serbie au temps du prince Michel Obrenovitch, M. Demitri Athanascowitz avait été en disponibilité depuis la chute du prince Michel jusqu’en 1850. À l’époque où Omer-Pacha faisait son excursion de Serajevo à Priédor, le consul-général d’Autriche s’était joint à lui, et ils étaient arrivés en même temps à Travnik. M. Athanascowitz avait demandé à Omer-Pacha de lui prêter ses bons offices. Omer-Pacha avait tout promis, mais il était au fond très mécontent de voir que l’Autriche, qu’il aimait peu, avait placé près de lui un surveillant. Le gouverneur civil ayant sa résidence à Serajevo, le consul d’Autriche s’y rendit pour s’y installer, tandis qu’Omer-Pacha continuait ses excursions autour de Priédor. Il parait que le commandant en chef ne se fit pas scrupule de plaisanter à table en présence de ses officiers sur le gouvernement autrichien et son consul-général. On put prévoir dès-lors que ces deux hommes seraient bientôt ennemis déclarés.

Peu préoccupé des suites que pouvait avoir cette affaire et décidé à provoquer un mouvement, Omer-Pacha envoya des officiers de son état-major avec une très faible escorte de cavalerie à Mahmoud-Pacha à Tousla et à Mustapha-Pacha à Bihalch, pour les obliger au