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sept mille Herzégoviens. Pour traverser ces défilés à peine frayés, on est constamment forcé de gravir le long de ravins tellement impraticables pour l’artillerie, que les insurgés pouvaient croire qu’il serait impossible de les y poursuivre avec des canons. Iskender-Bey, bien informé, s’attendait à ces difficultés de terrain ; il prit ses dispositions en conséquence, et enjoignit à ses deux chefs de bataillon (bim-bachi) de s’y conformer ponctuellement. Malheureusement il rencontra des obstacles d’une autre nature. Le bim-bachi Hayra, protégé de l’ex-vizir Khosref-Pacha, avait reçu de Mohaseptchi-Hayreddm-Eff’endi, commissaire de guerre de l’armée de Roumélie et personnage important dans le conseil d’Omer-Pacha, la recommandation secrète de ne pas obéir au giaour Iskender-Bey. En effet, fort de cet avis, le bim-bachi refusa d’exécuter les ordres qu’il avait reçus, Iskender-Bey lui fit des remontrances, et lui communiqua même les instructions écrites qu’il avait en mains. Hayra répondit en haussant les épaules qu’il ne savait pas lire, mais qu’il n’ignorait pas à qui il devait obéir. Il fallut se passer du concours de Hayra, et attaquer l’ennemi avec d’autres officiers plus soumis. Iskender-bey ayant cependant obtenu un premier avantage, Hayra montra de meilleures dispositions. L’attaque fut dès lors menée vigoureusement, et de laborieux combats s’engagèrent, à la suite desquels Iskender-bey, resté victorieux, s’avança en toute hâte sur Mostar, attaqua les rebelles devant ses murs, et y entra le 11 mars 1851. Il fit prisonnier Ali-Pacha Stolatchovitz et plusieurs beys herzégoviens.

On dit qu’Omer-Pacha ne s’attendait pas à voir Iskender-bey tourner avec cette promptitude les montagnes de Lepeta, qu’il connaissait très bien. Il aurait voulu se réserver la gloire de forcer le passage de ces montagnes, qu’aucune armée du grand-seigneur n’avait pu franchir encore ; la nouvelle de l’entrée d’Iskender-bey à Mostar le surprit donc assez désagréablement. Il se préparait à se rendre à Kulé-Han pour apparaître à l’improviste dans le camp d’Iskender-Bey et forcer en personne le défilé, lorsque la nouvelle de la prise de Mostar lui fut apportée. Iskender-bey, comme toute âme généreuse, préféra dans cette occasion la renommée à son avancement. Il est bien peu de chefs ou de supérieurs qui pardonnent à leurs subordonnés de briller à leurs dépens, et souvent l’on parvient plus vite en s’effaçant qu’en attirant les regards. Peu de jours après, Omer-Pacha entra dans Mostar avec un petit nombre de soldats, et il envoya Iskender-bey, avec deux bataillons d’infanterie et quatre canons, entreprendre une expédition difficile sur la frontière de la Caïne, en passant par Livno. Omer-Pacha, resté à Mostar, réorganisa l’administration de l’Herzégovine, et la confia à un nouveau mejlis. Ensuite il fit quelques excursions dans les environs du Montenegro