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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1217

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pour intimider les chrétiens des districts de Gatchko, Nikchitz et Grahova, qui sympathisaient avec les Monténégrins. Lui-même pénétra secrètement, déguisé en paysan, dans le Monténégro, accompagné seulement de quatre cavaliers et de son médecin, pour voir de ses propres yeux et étudier le difficile terrain de ce petit, pays, sur lequel il avait toujours nourri des projets de conquête.

Pendant qu’Iskender-Bey opérait contre les insurgés de l’Herzégovine, Mustapha-Pacha Mélémitchi devait empêcher l’arrivée des Bosniaques à Jaïtza et à Travnik ; mais Mustapha-Pacha s’était contenté de rester devant Jaïtza et de camper à une bonne distance sur le versant d’une montagne. Omer-Pacha, ayant appris l’état des choses, se hâta de se rendre lui-même à Jaïtza pour chasser de cette forteresse les insurgés qui y étaient entrés sans obstacles. Les incidens de cette nouvelle campagne établirent une fois de plus la supériorité militaire du général ottoman. Les Bosniaques furent battus à Jaïtza, à Vatzar-Vakup, à Krupa, enfin à Bihatch, forteresse devant laquelle Iskender-bey était bloqué, et qu’Omer-Pacha enleva après un vigoureux assaut[1]. Après la prise de Bihatch et l’arrestation de la plus grande partie des chefs rebelles de la Bosnie, Omer-Pacha retourna à Krupa, d’où il fit une proclamation dans laquelle il déclara aux Bosniaques que les séducteurs du peuple étaient entre ses mains, et qu’il accordait une pleine et entière amnistie aux paysans qui s’étaient soulevés contre l’autorité du sultan. Il les exhorta à servir fidèlement leur padishah et à se soumettre aux agens de la Porte. Il leur ordonna de s’emparer de quelques-uns des chefs qui s’étaient enfuis et de les livrer à l’autorité. Ali-Keditch, qui avait joué le rôle

  1. Iskender-Bey, chargé d’opérer sur la frontière de la Craïne, avait rempli sa mission et s’était avancé jusqu’à Bihatch en passant par Livna, Glamatsch et Blay. Il campait à deux heures de Bihatch, lorsqu’il fut entouré et bloqué par une partie des insurgés, qui voulaient couper ses communications avec Omer-Pacha. Sur ces entrefaites, le séraskier partit de Priédor, s’avança sur Krupa, bombarda la forteresse, et le 1er avril, sous une grêle de balles, fit établir un pont par Émin-Aga, officier de sapeurs (l’ex-officier autrichien Calmar). Les chefs albanais Guoleka et Osman-Aga montèrent les premiers à l’assaut avec leur infanterie irrégulière, mais ils furent culbutés. Omer-Pacha, voyant que les Albanais perdaient courage, fit avancer son infanterie régulière, qui, malgré un feu bien nourri et après une demi-heure de combat, s’empara des principaux points. La garnison se rendit, et les chefs rebelles furent faits prisonniers. Les Turcs eurent cent trente Albanais tués et soixante et onze blessés ; dans leurs troupes régulières, ils comptèrent sept cent cinq morts et cent quarante-deux blessés. Les Bosniaques eurent quatre cent quatre-vingts morts et cent soixante-quinze blessés. La bataille avait été acharnée, et Omer-Pacha s’était exposé aux plus grands dangers. De Krupa, où le séraskier apprit la position critique d’Iskender-Bey, il partit en toute hâte et se dirigea vers Bihatch. Cette forteresse est bâtie sur une île au milieu des marais formée par l’Ouna. Les insurgés firent un dernier effort pour se défendre sur les retranchemens de la ville. Le 18 avril, Omer ordonna l’assaut et y entra le même jour. Cette prise coûta aux Turcs quatre-vingt-trois morts et soixante-six blessés.