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défendu par des travaux hydrauliques. On se demande d’où ils ont tiré cette terre, car l’œil ne découvre aucune trace de fouilles ni d’excavation dans les parties voisines[1].

La Frise tire sa principale richesse des bestiaux et des tourbières. La loi des affinités naturelles enveloppe le règne animal tout entier : là où les hommes se distinguent par la taille et les femmes par les agrémens de leur sexe, les races domestiques sont belles. On connaît la réputation des chevaux frisons ; mais il faut voir ces nobles animaux errer en liberté dans les prairies, et par groupes, pour se former une idée de leur valeur. Sorti de son pays, le cheval frison dépérit ou dégénère ; il regrette l’herbe abondante de sa terre natale, cette herbe nourrie d’eau qui lui montait jusqu’aux genoux. Les bêtes à cornes se présentent sous des traits non moins poétiques. Les champs de verdure infinie, animés par deux cent mille télés de bétail, ont une physionomie qu’on ne retrouve point ailleurs. Ni chiens, ni bergers : les troupeaux se gardent eux-mêmes, ou du moins ils sont gardés par l’eau qui remplit les fossés. Les tourbières occupent la partie méridionale de la Frise, où elles ont laissé tantôt des lacs, tantôt des flaques d’herbe que le vent agite comme des flots inquiets. Le caractère des habitans est particulier. On reconnaît un Frison à sa démarche indépendante, à sa figure ouverte. Le protestantisme domine dans cette province. La Frise nourrit environ 200,000 habitans, sur lesquels 20,000 seulement sont catholiques. Il est à remarquer que la réforme religieuse s’est entée dans les Pays-Bas sur les races fières et fortes. De tout temps les Frisons ont passé pour indomptables. Un mâle et généreux amour de la liberté s’associe chez eux au respect de la foi jurée, à une probité sûre, à un esprit positif et à une volonté inflexible.

Il est difficile d’avoir vu la Frise sans parler des Frisonnes. Leur beauté n’est pas moins célèbre que leur coiffure. L’origine de cette coiffure a exercé la science des antiquaires. Autrefois les femmes du Nord, surtout les femmes nobles, portaient des cercles d’or sur la tête. Cette espèce de diadème a peut-être été le prototype des fers que portent aujourd’hui les paysannes de presque toute la Hollande. C’est aux formes diverses de cet ornement de tête qu’on reconnaît le caractère des différentes provinces. Le choix du costume national

  1. Des tertres contiennent un assez grand nombre d’objets d’art ; on a eu l’heureuse idée de réunir ces objets à Leeuwarden, dans un musée des antiquités nationales de la Frise. Là, j’ai vu avec intérêt de petite pipes à tête fort étroite et à grosse queue, qui avaient été trouvées dans des fouilles, à une profondeur assez considérables. Ces pipes paraissent très antérieures à l’usage du tabac. On suppose qu’elles ont servi à fumer du chanvre. Les antiquaires croient qu’elles remontent au temps des Germains. On retrouve la même forme de pipe sur des monumens mithriaques.