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haute lisse, où l’industrie et l’art s’unissent dans des créations merveilleuses. Ce n’est pas tout, à côté de ces matières fondamentales figuraient d’autres étoffes composées d’élémens de fantaisie : — des toiles et des tapis en jute, des coutils en china-grass, des nattes d’abaca et de palmier, des articles en aloës et en chanvre de Manille, les produits si variés du cachemire, du poil de chèvre, de l’alpaga, du crin, même du caoutchouc, si répandu aujourd’hui, des tissus en matières mélangées, tels que fin et coton, coton et laine, laine et soie, — toutes mariées çà et là à l’alpaga et au poil de chèvre ; enfin les essais sans nombre faits avec plus d’audace que de bonheur en étoffes d’herbe, écorces de mûrier, d’ormeaux, en poils de lapin et d’autres encore décorés de noms ambitieux, et la plupart assez mal justifiés. Telle était la part des industries textiles ; on voit que rien n’y manquait, ni la diversité, ni l’originalité, ni l’abondance.

Peut-être y aurait-il à signaler un défaut de proportion parmi les exposans de chaque catégorie ; le nombre était loin de se trouver en rapport avec l’importance du travail. L’Angleterre, par exemple, n’en avait guère qu’une centaine pour les tissus de coton, tandis que la France en comptait 410, et pourtant l’Angleterre transforme et tisse cinq fois plus de coton que la France. De leur côté, les États-Unis ne s’étaient pas départis de ce dédain superbe qu’ils affectent vis-à-vis de l’Europe, et on cherchait vainement, au milieu de cette collection nombreuse, leurs filés et leurs tissus. L’Autriche s’était montrée plus empressée ; la Prusse, la Saxe, les petits duchés allemands, les états sardes et d’autres encore y avaient mis une bonne volonté louable. Comment expliquer cette indifférence des Américains ? Dans la filature et le lissage, les États-Unis occupent aujourd’hui le second rang : l’Angleterre seule les devance, de beaucoup, il est vrai : nous ne passons qu’après eux. Sur les 500 millions de kilogrammes de coton que récolte l’Amérique du Nord et qui forment les quatre cinquièmes de la production totale du globe, l’Angleterre en consomme à elle seule 300 millions, qui alimentent 18 millions de broches ; les États-Unis 110 millions de kilogrammes pour 5,500,000 broches ; la France 72 millions de kilogrammes pour 4 millions de broches. Après ces grands états viennent par ordre d’importance l’Autriche, la Russie, le Zollverein, l’Espagne, la Belgique, etc. Les progrès de cette industrie ont été tels que le kilogramme de filé du n° 30 par exemple, qui coûtait 12 fr. en 1816, 6 fr. en 1834, peut être livré actuellement à 4 fr. 50, quoiqu’il y ait eu à la fois élévation dans le prix de la main-d’œuvre et amélioration des qualités. Peu d’industries ont eu une croissance aussi rapide, et il semble qu’elle soit arrivée à ce moment de repos qui suit les exercices forcés. Plus de ces découvertes qui la transformaient à vue d’œil, plus de ces énergiques élans