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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1312

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auxquels répondait l’émotion publique et que saluaient des applaudissemens universels. Ce n’est plus une industrie turbulente et conquérante, comme elle a pu l’être dans la première jeunesse ; c’est une industrie qui, prenant de l’âge, se range, fait ses comptes, et ne court plus les aventures. De là un peu de froideur dans l’ensemble de son exposition et de la part des curieux un certain délaissement. L’attitude avait changé : de l’enthousiasme on était passé à l’estime. Sans doute il y avait là des efforts sérieux, un désir de perfection, une étude des détails qui frappaient les hommes du métier ; mais pour la foule il n’y avait plus de surprises, et elle en est avide par-dessus tout.

Aussi y a-t-il peu à insister sur les tissus de coton, où tout le monde, états et fabricans, ne s’est appliqué qu’à maintenir les positions respectives. Le comité de Manchester a pourtant montré les forces de cette industrie dans un bel ensemble, et atteint la limite extrême du rabais en offrant un calicot de 80 centimètres de largeur au prix de 17 centimes le mètre. Dans toute la série des articles de coton, basins, piqués, percales, jaconas, unis ou façonnés, toiles blanches ou toiles peintes, l’Angleterre conserve les avantages d’une fabrication plus économique et de prix plus discrets. Si la Normandie s’en rapproche de loin, ce n’est que dans des produits intermédiaires ; si le nord de la France maintient sa position, c’est à l’aide d’articles mixtes où l’art des mélanges et la supériorité des couleurs jouent un rôle dans la valeur du produit ; enfin, si l’Alsace ne déchoit pas de sa renommée, si elle est restée inimitable pour les toiles peintes dans ce qu’elles ont de plus accompli, c’est au goût de ses dessinateurs et de ses fabricans qu’elle le doit, à un travail d’imagination que rien ne supplée et qui se renouvelle incessamment, au choix et à la variété des dessins, à la finesse des nuances, à un ensemble de perfections qui lui ont valu le sceptre de l’article, et où il sera difficile de l’égaler. Parmi les autres pays d’Europe, il en est où l’industrie du coton se défend avec succès et conserve, même dans le tissage à bras, le privilège de la consommation locale. C’est le cas des états allemands où l’on confectionne ces fortes étoffes, tirées à poil, qui remplacent le drap pour beaucoup d’usages. L’Angleterre y excelle, et c’est à elle que l’ Allemagne a fait cet emprunt, auquel Rouen aurait dû songer. Manchester livre dans ces conditions des futaines très chaudes, très épaisses, tantôt à côtes comme le velours, tantôt imprimées à triple rouleau, et qui ne reviennent pas à plus de 85 centimes le mètre ; pour 2 francs, on a un pantalon de ce tissu très solide et très résistant. La Suisse n’est pas en arrière pour ces confections économiques, et tout le monde a pu admirer sa belle exposition de mousselines, du prix le plus modeste comme du prix le plus élevé ;