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Je la retrouve enfin, ta course aventureuse,
Qui fait la terre grasse et la prairie heureuse :
Salut, roseaux touffus ! toiture des maisons,
Vous recouvrez aussi les timides poissons.

O verdure ! ô fraîcheur ! douceurs virgiliennes !
Ainsi vous embaumez, forêts brésiliennes !
Quand la harpe jetait ses notes de cristal,
Plus d’azur brillait-il aux torrens de Fingal ?

Puis de sveltes clochers, d’antiques monastères ;
Des ports mystérieux enfoncés dans les terres ;
Comme en Grèce, des noms qui sonnent : c’est Argol,
Daoulâz aux frais ruisseaux, Logonna, Rumengol,

Les forts de Ros-Canvel sur les hautes falaises,
Et Plou-Gastell, jardins embaumés par les fraises…
Mais au fleuve élargi la mer ouvre son sein,
Et Brest ouvre à tous deux son immense bassin.

Fleuve, je t’ai chanté : quand l’heure me renvoie,
Mêle à tes flots joyeux l’effluve de ma joie ;
O splendide vallon, je t’ouvre encor les bras ;
Mes yeux à l’admirer ne se lasseraient pas.


IV


— « Seigneur ! vous de retour ! Comme une sainte image,
Vous m’avez apparu là-haut dans un nuage.
— Vous, mère, à la fraîcheur et si tard vous asseoir !
— Oh ! je ne sors d’ici qu’à la cloche du soir.
À cette heure, voyez, sur le pont de la ville,
D’ouvriers, de bourgeois passe une double file ;
Sur la rampe on s’appuie, on cause… Gens heureux !
Des bandes d’écoliers qui se poussent entr’eux
Accourent. De mon temps, on n’avait pas d’écoles ;
Mais l’ouvrage fini, nous n’allions pas moins folles.
Par ce monde nouveau, car j’ai bon souvenir,
Je reviens au passé, n’ayant plus d’avenir.
Puis, regardez plus loin ! Là-bas, dans la prairie,
— Mes yeux, grâce à Jésus, à la vierge Marie,
Sont aussi clairs et nets, — les robustes faucheurs
Ne peuvent se résoudre à quitter leurs labeurs ;
Le soleil fait briller l’acier d’une faucille ;
Sur la meule est assise une petite fille.