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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/163

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mérite de cette admirable composition. Les apôtres, la Vierge, les anges, sont d’une splendeur qui n’a jamais été surpassée. Pourtant je préfère à l’Assunta la Présentation au Temple, qui se trouve aussi à l’Académie de Venise, et je connais plus d’un homme du métier qui partage mon avis. Quoique Titien ait presque toujours peint sur toile, il a cependant écrit sa pensée sur quelques murailles. Sans parler des figures qui se voient encore sur le Grand-Canal et qui rappellent l’ancienne richesse de la reine de l’Adriatique, sans parler du Saint Christophe du palais ducal, je puis citer les fresques de Saint-Antoine de Padoue, qui attestent la souplesse de son imagination, et prouvent aux plus incrédules qu’il ne dédaignait pas le travail de la réflexion, comme on se plaît à le répéter. En consultant tour à tour la Présentation au Temple, d’une simplicité merveilleuse, et les fresques de Saint-Antoine, on peut se former une idée complète de Titien.

Quant au dernier des cinq grands maîtres, Antonio Allegri, si l’on veut le connaître à fond, c’est à Parme qu’il faut aller l’étudier, Le Mariage de sainte Catherine et l’Antiope, que nous possédons à Paris, ne montrent qu’une face de son talent. Dire que le Corrège est le plus gracieux des peintres, et ne rien dire de plus, c’est avouer qu’on n’a pas envisagé tous les aspects de ce beau génie. Les coupoles de Saint-Jean et de Sainte-Marie de Parme sont là pour démontrer avec la dernière évidence qu’il a cherché, qu’il a trouvé autre chose que la grâce dans sa courte et laborieuse carrière. Quoiqu’il n’ait jamais vu Rome, quoique le rapprochement des dates suffise pour démontrer que le plagiat était impossible lors même qu’il eût franchi le seuil du Vatican, tous les hommes compétens proclament à l’envi la hardiesse et le savoir qu’il a prodigués dans les deux coupoles de Parme. Il n’a pas copié Michel-Ange, qui n’avait pas encore peint le Jugement dernier; mais, par l’étude du modèle vivant et des plâtres moulés sur les statues antiques, il est arrivé à réaliser des prodiges qui rappellent la Sixtine.

Cette rapide esquisse suffit pour établir la primauté de l’école italienne. En est-il une autre en effet qui puisse citer des noms d’une telle valeur? La Cène, les Sibylles, l’École d’Athènes, la Présentation au Temple, la coupole de Saint-Jean, sont à coup sûr les leçons les plus savantes que le passé nous ait léguées. Il n’est guère permis d’espérer que l’avenir dépasse les œuvres que je viens de rappeler.

En parcourant la liste des ouvrages envoyés à Paris par la ville de Rome, on ne peut se défendre d’une profonde tristesse. Rome, où se donnent rendez-vous tous les peintres du monde qui veulent connaître le type de la vraie beauté, occupe quatre pages dans le livret