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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/168

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indulgens, ces figures sont parfaitement insignifiantes. Quoique le musée de Brera ne puisse se comparer aux musées de Rome, de Florence et de Naples, il renferme cependant assez de plâtres moulés sur l’antique pour ramener dans la voie de la vérité un sculpteur égaré; mais M. Marchesi a maintenant passé l’âge du repentir. Depuis plus de trente ans, les plus importans travaux de sculpture à Vienne et à Milan lui ont été livrés; il est donc permis de croire qu’il achèvera sa carrière sans venir à résipiscence.

Au reste, pour ceux qui ont visité Milan, pour ceux surtout qui l’ont habité pendant quelques mois, l’autorité de M. Marchesi n’a rien de surprenant. En Lombardie comme en Autriche, il existe une peinture aulique, une statuaire aulique, dont les conditions n’ont rien à démêler avec l’art proprement dit. On rencontre à Milan des hommes bien élevés, qui ont voyagé, qui ont visité la France et l’Angleterre, et qui pourtant vous citent de bonne foi Appiani comme le peintre par excellence. Pourquoi? Parce qu’Appiani a décoré le palais du vice-roi. Je dois ajouter qu’ils réservent une part de leurs éloges pour les œuvres d’Hayez, qui a peint dans le même palais un immense plafond. Un homme de bon sens, étranger à la peinture antique, donnerait de grand cœur toutes les compositions d’Hayez et d’Appiani pour une tête, pour une main de la Cène.


Applaudi à Bruxelles, M. Gallait boude la France, je ne sais pourquoi, car ses tableaux avaient rencontré chez nous une attention et une sympathie que leur mérite ne justifiait pas. Il est vrai qu’il s’est rencontre parmi les spectateurs quelques esprits chagrins qui ont trouvé les armures et les vêtemens mieux peints que les têtes et les mains. Est-ce en souvenir de cette puérile objection que M. Gallait nous garde rancune? Ce serait de sa part un caprice singulier. Chez nous, qu’il le sache bien, le goût de la foule n’est pas encore assez pur pour qu’une telle objection rallie de nombreux suffrages; les armures et les vêtemens ont à ses yeux, je suis bien forcé de l’avouer, autant d’importance que les mains et le visage. Oublions la bouderie de M. Gallait, et parlons de ses compatriotes. M. Eugène Verboeckhoven a envoyé deux tableaux qui révèlent un talent d’imitation très remarquable : je veux parler de sa Bergerie campinoise et de la toile qu’il a nommée la Bonne Mère. Je trouve dans ces deux compositions une grande habileté pour la reproduction des détails, mais j’y cherche en vain quelque chose de volontaire, quelque chose qui accuse une intention préconçue. Dans la Bergerie campinoise comme dans la Bonne Mère, je n’aperçois qu’une transcription littérale du modèle vivant, et, comme il était facile de le prévoir, cette transcription littérale aboutit à l’infidélité. Je m’empresse de