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reconnaître que la toison de la brebis et de l’agneau est bien imitée : quant à la forme des membres, je ne saurais la deviner. C’est en un mot l’enveloppe de la forme sans la forme elle-même. Pour être juste, je dois ajouter que l’exemple de M. Eugène Verboeckhoven a trouvé chez nous de nombreux imitateurs.

La Campine, paysage avec bestiaux, de M. Louis Robbe. obtiendra les louanges de tous les connaisseurs; l’auteur voit bien et rend bien ce qu’il voit. Malheureusement il ne paraît pas croire que la pensée doive intervenir dans la peinture; il s’adresse donc aux yeux et ne dit rien à l’esprit. Il ne paraît pas non plus se douter des relations qui existent nécessairement entre la dimension d’une toile et la nature du sujet. Son paysage, dont je reconnais la vérité, non-seulement n’offre qu’un aspect prosaïque, mais encore, abstraction faite de l’invention, dont l’auteur ne paraît pas s’être soucié un seul instant, ne présente point aux regards un ensemble suffisant pour une toile de cette proportion. Réduit de moitié, le tableau de M. Louis Robbe gagnerait beaucoup, car dans cette condition nom elle l’uniformité de la plaine campinoise n’aurait plus rien de blessant, et la toile ne semblerait plus vide. Il y a dans les bœufs un vrai talent d’imitation, le ciel et la plaine sont bien rendus; mais franchement il n’y a pas dans un tel sujet de quoi défrayer une si vaste composition.

M. Bossuet a voulu se faire espagnol, ou du moins il a renoncé à peindre son pays, et nous offre les Tours romaines de Grenade au bord du Xenil. Plus je regardais ces ruines, et moins je comprenais ce que l’auteur avait voulu faire. Ni pierre ni brique, rien qui ressemble aux constructions romaines. Pour donner une idée fidèle de cette singulière peinture, il faut appeler à son secours une comparaison qui n’est pas précisément de l’ordre le plus élevé : les deux tours romaines de M. Bossuet sont tout simplement deux nougats, et dès que l’on consent à prendre les briques pour des amandes, on ne peut qu’applaudir à l’exactitude de l’imitation.

M. Pierre Kiers d’Amsterdam a voulu montrer à l’Europe qu’il avait étudié avec fruit les œuvres de Rembrandt. Je crois qu’il n’a pas choisi la meilleure méthode de démonstration. Le chef de l’école hollandaise se plaisait à emprisonner un rayon de soleil; M. Kiers a cru qu’il obtiendrait le même succès en projetant sur ses personnages la lumière d’une lampe : c’est une méprise trop facile à établir. L’auteur a cherché trois fois le même effet, et trois fois il s’est trompé. L’Intérieur d’une maison hollandaise, un Peintre dans son atelier, une Dame hollandaise lisant la Bible, sont trois tentatives conçues dans le même dessein. C’est toujours le reflet d’une lampe. Ici toute argumentation serait inutile, l’évidence se produit d’elle-même sans