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capitale du Fezzan. Les Turcs y ont un château et une garnison composée d’un bataillon d’infanterie, d’un escadron de cavalerie et d’un peu d’artillerie. Cela suffit pour maintenir dans l’obéissance la population, qui est paisible et nullement guerrière. Les Anglais ont un agent consulaire à Mourzouk. Le bourg le plus septentrional du Fezzan est Sokena, à dix-sept jours de marche de Tripoli, et le plus méridional est Ghad, ce qui donne à cette contrée une longueur de plus de cent lieues du nord au sud. Sa largeur de l’est à l’ouest, depuis Temissa jusqu’à Benghed, est à peu près aussi considérable.

On vient de parcourir les quatre grandes divisions de la régence de Tripoli, la Cyrénaïque, Tripoli et ses environs, Ghadamès et le Fezzan. La configuration des lieux étant ainsi précisée, le récit des événemens qui s’y sont accomplis, le tableau des intérêts qui s’y débattent gagneront, je l’espère, en intérêt comme en clarté.


II. — LA PIRATERIE A TRIPOLI. — DOMINATION DES CARAMANLI. — INSTALLATION DES PACHAS TURCS ET INSURRECTION ARABE.

Après la chute de la dynastie d’Abd-el-Moumen, que nous appelons en Europe dynastie des Almohades, Tripoli fut longtemps gouvernée par la famille des Reni-Amer. Abou-Farez, roi de Tunis, en fit ensuite la conquête; mais la régence napolitaine avait recouvré son indépendance lorsque les Espagnols s’en emparèrent sous la conduite de Pierre Navarre, en 1510[1]. En 1530, Charles-Quint la céda, en même temps que l’île de Malte, aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui l’occupèrent jusqu’en 1551, où elle leur fut enlevée de vive force par les Turcs, commandés par Sinan-Pacha. Elle devint alors un pachalik de l’empire ottoman, comme le devinrent dans le même siècle Alger et Tunis; mais, comme Alger et Tunis, ce pachalik ne tarda pas à se rendre indépendant, sinon de droit, au moins de fait. Cependant Tripoli, plus que les autres régences barbaresques, eut de certains retours à la soumission directe jusqu’en 1714. Cette année-là, le pacha régnant ayant fait un voyage à Constantinople, Ahmed Caramanli, qui commandait sous lui les tribus arabes avec le titre de bey, profita de son absence pour s’emparer du pouvoir suprême. Il expulsa les Turcs après avoir massacré par trahison tous huis officiers. La Porte, à qui il fit quelques soumissions apparentes et envoya des présens, accepta, comme presque toujours,

  1. Tripoli avait été déjà, longtemps rivant cette époque, possédée par les chrétiens. En 1146, Roger, ce grand roi normand de Sicile, s’en était emparé, ainsi que d’une grande partie du littoral africain. Après sa mort, Abd-el-Moumen enleva aux Siciliens toutes leurs conquêtes.