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montagnes. A la dérive de ce plateau, on trouvera à plusieurs journées de distance, de l’est à l’ouest, les localités habitées de Boudjem, sur la route du Fezzan, de Mezdah et de Derdj. Les Turcs ont bâti à Boudjem, qu’ils nomment Akara-Medjidia, un château où ils entretiennent une petite garnison. Le village qui s’est élevé auprès comptait quatre-vingts maisons en 1852. Je n’ai rien à dire de particulier de Mezdah. Quant à Derdj, c’est une oasis de quatre villages à deux journées de marche au nord de Ghadamès. Cette dernière localité, qui jouit d’une certaine célébrité en Afrique, et dont le nom est un de ceux qui ont le privilège d’être retenus par les Européens, est en effet un point commercial très important. Ghadamès n’est pas, comme Audjilah ou Siouah, une ville dans une oasis : c’est plutôt une oasis dans une ville, c’est-à-dire que les maisons y entourent les jardins, au lieu d’en être entourées. Les rues sont recouvertes par les étages supérieurs, dont les terrasses, qui se touchent, sont réservées aux femmes, tandis que les rez-de-chaussée et les rues restent aux hommes. On peut presque dire qu’il y a deux villes superposées, l’une aérienne pour le beau sexe, et l’autre terrestre et obscure pour le sexe qui n’a nulle part, mais à Ghadamès moins qu’ailleurs, le droit de prendre cette qualification. Les Anglais entretiennent un agent consulaire à Ghadamès. Ce poste était occupé en 1852 par M. Charles Dickson, jeune homme doué de toutes les qualités qui pourraient le faire briller sur un moins triste théâtre. Il appartient à une famille écossaise établie depuis longtemps à Tripoli, où il est né, ainsi que tous ses frères et sœurs, qui sont nombreux. On ne devrait pas s’attendre à trouver dans une ville presque perdue de la Barbarie, dont les communications avec l’Europe sont rares et difficiles, une réunion de personnes aussi distinguées sous tous les rapports que celle que présente cette aimable famille. Rien ne surprend plus agréablement que de rencontrer dans cette population européenne du Levant, habituellement absorbée par les soins tout matériels d’un petit négoce, des gens qui ne sont étrangers à aucun des arts et des travaux intellectuels de notre patrie commune, qu’ils semblent porter avec eux et en eux. Au souvenir des Dickson se joint dans mon cœur, plus encore que dans ma mémoire, celui d’un homme aussi remarquable par la noblesse de ses sentimens que par son instruction littéraire et scientifique, M. Pistoretti de Soussa.

Il ne me reste plus qu’à parler du Fezzan, l’ancien pays des Garamantes, vaste archipel du désert, composé de plusieurs oasis comprenant à elles toutes un très grand nombre de villages ou petites villes. Les Arabes prétendent qu’il y en a cent un; mais c’est là une expression vague, qui n’a rien de plus déterminé dans leur esprit que le sexcenta des Latins et le myria des Grecs. Mourzouk est la