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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/293

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existaient sans le moindre doute avant la révolution politique et religieuse qui dégagea les Provinces-Unies, il est vrai de dire que cette industrie, comme d’ailleurs tous les élémens de la fortune publique, puisa dans la liberté une sève et une force nouvelles. C’est alors seulement que le pays se sentit vivre dans sa plénitude, et qu’il commença, selon la parole d’un historien, à « jouir des mers. » Aujourd’hui, quoique certaines pêcheries hollandaises soient en décadence, l’importance de cette industrie demeure encore considérable ; on le verra par les chiffres que nous empruntons aux documens officiels. À cet art utile se rattache d’ailleurs un intérêt de grandeur politique et d’indépendance pour les Pays-Bas. Les pêcheries hollandaises contribuent à assurer les moyens d’existence aux classes laborieuses ; elles forment une pépinière d’intrépides marins, elles donnent naissance à un commerce international qui n’attend que l’abaissement du tarif des douanes pour reprendre un éclat obscurci depuis plus d’un siècle.

Selon la nature des poissons qui se trouvent dans la Mer du Nord, la pêche néerlandaise se divise en plusieurs branches ; mais il est un produit tout national qui peut nous servir de type pour déterminer le caractère des différentes pêcheries locales : c’est le hareng. On suppose que le hareng fut inconnu des anciens ; il ne s’est pas trouvé jusqu’ici dans la Méditerranée. Ce fruit de l’Océan a été pour les Pays-Bas un élément de grandeur et de prospérité. Le hareng introduit dans des tonnes a changé les destinées historiques de la Hollande, et par suite les destinées du monde au XVIe et au XVIIe siècles. Une industrie qui a exercé une si grande influence sur la révolution des Provinces-Unies et sur les événemens qui la suivirent n’est pas indigne de notre attention[1]. Aussi longtemps que la pêche hollandaise fournira annuellement plus de 50 millions de harengs, elle comptera encore parmi les grandes pêches maritimes de l’Europe.

Les Hollandais distinguent trois espèces de harengs : 1o le hareng pee ou caqué, nommé en hollandais geknakle haring, qui se pêche au nord de l’Ecosse pendant l’été ; 2o le steur-haring, qu’on pêche en automne sur les côtes de Yarmouth, qu’on sale d’abord pour le fumer plus tard, et qui, fumé, prend alors le nom de bokking ; 3o le pan-haring, sorte de hareng frais qu’on pêche dans le Zuiderzée, et qui sert de nourriture aux classes pauvres. Depuis un temps immémorial, les pêcheurs de hareng caqué (gekaakte haring) ont établi le siège de la corporation à Vlaardingen et à Maasluis. — Les côtes de la Hollande sont bordées par des villages dont les habitans, comme

  1. Le hareng, considéré comme animal utile, a déjà été le sujet d’une étude pleine d’intérêt dans la Revue. Voyez la livraison du 1er janvier 1849.