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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/292

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et voiles déployées. Quand maintenant on réfléchit aux causes d’une élévation si rapide et si incroyable, on reconnaît avec étonnement que toute cette grandeur historique a son origine dans une barque de pêcheurs.

La pêche a été dans les Pays-Bas le berceau de la navigation et du commerce. Comme dans le corps humain on organe a besoin du secours des autres organes pour vivre et pour fonctionner, de même chaque contrée dans le monde a besoin, pour prospérer, des produits que donnent les contrées étrangères. Les richesses qui manquent à un pays se trouvent représentées dans ce pays même par le superflu des richesses naturelles qui s’y engendrent : c’est cette loi de répartition des denrées qui ouvre aux sociétés la voie féconde des échanges. La Néerlande manquait de beaucoup de choses nécessaires à la vie, mais elle a trouvé dans les mers voisines une large compensation à la stérilité de ses terres labourables. La pêche lui fournissait le poisson en abondance : en répandant sur les autres contrées le produit de ses filets, qui excédait de beaucoup ses besoins, elle obtint du grain et des bois de construction, première origine de son commerce et fondement de la grandeur de ses villes. Son génie industrieux changea et transforma les substances premières par le miracle de l’échange ; c’est ainsi qu’elle fit du pain, de l’or, du diamant avec la chair des poissons. La mer a été pour toutes les sociétés modernes, mais plus particulièrement pour la Hollande, un grand théâtre de développement moral. L’influence que cette masse d’eau a exercée sur la civilisation a été jusqu’ici trop peu remarquée : sans elle, l’homme n’eût point acquis pleinement le sentiment de ses forces, il n’eût point tourné les yeux vers le ciel avec une persévérance intrépide pour observer les mouvemens des astres ; les sciences physiques, l’industrie, les arts utiles, n’eussent point franchi d’un pas si assuré les limites du moyen âge religieux. La Hollande est fille de l’Océan, et, comme le fantôme biblique, elle a marché sur les eaux pour aller à la conquête des richesses.

Il est inutile de remonter aux textes plus ou moins obscurs qui révèlent l’origine très ancienne de la pêche maritime sur les côtes de la Néerlande. L’alimentation des races s’est calquée, au début de l’état social, sur les moyens d’existence que leur avait ménagés la nature. Le voisinage des forêts et des plaines a fait les peuples chasseurs ; le voisinage des lacs, des fleuves et de la mer a fait les peuples pêcheurs. Une grande partie de la population batave vivait donc depuis des siècles du produit de ses filets. Les habitans de la Hollande avaient greffé en outre diverses branches de commerce sur l’industrie de la pêche bien avant la guerre de l’indépendance. La réformation n’a pas créé les Pays-Bas ; mais si les pêcheries hollandaises