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veiller non-seulement sur les intérêts du présent, mais aussi sur ceux de l’avenir, est donc en droit de protéger les forces prolifiques de la mer contre des moyens d’exploitation dangereux ; seulement, comme des pêcheurs étrangers traînent ces mêmes filets sur les côtes de la Hollande, il faudrait obtenir une convention internationale qui, au nom même des intérêts de la pêche, défendit de ravager les eaux. La question vaut qu’on y réfléchisse. Les gouvernemens ont des congrès pour régler la paix ou la guerre : où serait le mal quand ils auraient des congrès économiques pour conserver et accroître les moyens alimentaires des peuples ?

Quoique souffrante, la pêche des côtes est pour la Hollande une ressource considérable. Sans protection aucune, gênée même par les règlemens, qui favorisaient jusqu’ici la grande pêche au détriment des autres pêches nationales, cette industrie a lutté contre les forces avares de la nature, et obtenu des résultats qui méritent d’appeler notre attention. En 1850, du 1er février au 5 septembre, quarante-huit barques ont pris sur la côte de Katwijk pour 78,902 florins de poissons frais. En 1853, trente-six flibots ont rapporté 6,096,000 harengs. Outre les barques qui sortent des villages situés près de la Meuse, 218 bâtimens, montés par 1,744 hommes, jettent leurs filets dans la mer qui baigne les côtes de la Mord-Hollande et de la Sud-Hollande. Les frais annuels d’équipement pour chaque vaisseau se montent à 4,500 florins. Ce capital qui flotte sur les eaux a une valeur sans doute, mais le travail des hommes qui luttent jour et nuit contre toutes les forces de l’Océan représente une autre valeur non moins grande et non moins féconde.

La Mer du Nord n’est pas le seul champ labouré par les barques néerlandaises. Il existe une autre pêche plus obscure encore dans ses moyens d’action, presque dédaignée, mais dont le développement silencieux mérite d’appeler les regards de l’économiste : c’est celle qui s’exerce sur le Zuiderzée. Dans ce golfe, formé depuis les temps historiques par les invasions de la mer, nous allons rencontrer un nouveau théâtre de faits qui nous fournira de nouvelles armes contre le monopole en matière de pêche et des argumens décisifs en faveur de la liberté de cette industrie.


III.

Le Zuiderzée forme comme un bassin de la Mer du Nord. Ainsi que les années arrondissent le corsage d’une jeune fille, les siècles ont élargi l’échancrure par laquelle cette mer enfonce son sein dans les terres. La masse des eaux occupe aujourd’hui un espace de cinquante-quatre lieues carrées ; elle s’avance sur les provinces de Frise, d’Overyssel, de Gueldre, d’Utrecht et de Nord-Hollande. L’été, les