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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/327

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mains d’une jeune fille, quand les marées montent et accourent semblables à un troupeau de phoques, quand les ombres des anciennes villes englouties au fond du golfe errent dans la tempête avec des gémissemens, oh ! alors il faut une grande illusion pour tenir à ce triste séjour. Un doux aveuglement du cœur caractérise l’amour du pays, comme d’ailleurs tous les autres amours.

Au point de vue économique, la situation des pêches du Zuiderzée, prise dans l’ensemble, offre un intérêt sérieux. Dans ces trois îles, Marken, Urk et Schokland, malgré des causes locales de malaise et de dépérissement, la population augmente de siècle en siècle ; elle se développe même relativement plus vite que dans le reste du pays. Ce fait seul témoigne que la mer est un champ de production fertile, car c’est une loi que les populations s’accroissent en proportion des moyens d’existence. Autrefois l’esturgeon et le saumon faisaient la plus grande richesse du Zuiderzée ; ils ont aujourd’hui tout à fait disparu de ces eaux : nouvelle preuve que le poisson ne résiste pas toujours par la fécondité aux attaques de l’homme, et que pêcher en toute saison dans certains parages, c’est dévorer pour ainsi dire en herbe les biens de la mer. En revanche, d’autres pêches, plus obscures, ont pris dans ces dernières années un développement considérable. — Celle de l’anguille, par exemple, donne un résultat de 40,000 florins par année. Ces eaux sont peuplées d’ailleurs de harengs et d’anchois. La pêche du hareng commence en octobre et dure jusqu’à la fin de mars ; celle de l’anchois se continue de mai à juillet, au moyen de filets-coniques. Ce petit poisson, qu’on sale et qu’on entasse dans des magasins à Monnikendam, à Huizen et ailleurs, est un article de commerce qui ne manque point d’importance. On estime la pêche entière de 1853 à 20,000 ancres (l’ancre contient 4,000 anchois), qui représentent une valeur de 260,000 florins. Le hareng du Zuiderzée est moins estimé que celui des côtes ; mais il a le mérite de servir d’aliment à la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Il y a surtout dans le Zuiderzée un hareng d’arrière-saison, connu sous le nom de panharing[1], dont les Hollandais font peu de cas, qu’on traîne sur des brouettes dans les faubourgs des grandes villes, et dont on s’est servi longtemps pour fumer les terres. Servir à la nourriture de l’homme passe encore ; mais faire du fumier ! Le panharing s’en est vengé en s’éloignant peu à peu des parages où l’on rendait si peu de justice à ses bonnes qualités. Le hareng frais du Zuiderzée ne mérite nullement le mépris dans lequel l’a relégué un vieux préjugé national. Il y a peu d’années, des

  1. Le panharing est un hareng sans œufs ni laite, un hareng vide, circonstance qui tient, bien entendu, à la saison dans laquelle on le pêche.