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insurgé Sidi-Mohammed Caramanli. A peine cette opération était-elle terminée, que le chebek fut pris par les chaloupes canonnières du pacha. Le brick et le schooner, qui avaient été séparés du chebek, reparurent quelque temps après; mais les consuls n’ayant pas reconnu le blocus, et le stationnaire français qui était dans le port de Tripoli se disposant à les repousser par la force, ils s’éloignèrent pour ne plus revenir. El-Hadj-Mohammed-Bit-el-Mal les fit vendre dans le Levant. Quant à l’attaque de la ville, elle se borna à la projection de quelques bombes qui ne firent pas grand mal.

Ces diverses circonstances étaient heureuses pour le parti de Sidi-Ali. Il se produisit à l’intérieur du pays un autre incident qui lui donna de plus grandes espérances. Gumma, chef puissant d’une tribu du Djebel, se mit en relation avec lui et lui fournit un petit renfort de troupes pour la défense de Tripoli. A la demande de Gumma, le pacha Sidi-Ali fit partir pour le Djebel son frère Sidi-Ibrahim, pensant que la présence de ce prince augmenterait encore dans cette partie du pays le nombre de ses partisans. Le rebelle Sidi-Mohammed, alarmé du départ de Sidi-Ibrahim, alla s’établir à Zaouiah pour tenir tête aux ennemis qui le menaçaient du côté du Djebel. Il y eut là quelques petits combats dans lesquels l’avantage resta à Gumma. Quoique ce chef n’en eût pas profité autant qu’il l’aurait pu, le résultat n’en causa pas moins un peu de perturbation parmi les insurgés, que Sidi-Ali harcelait de son côté par des sorties journalières. La ville de Bengazi, après quelques journées de trouble et d’anarchie, se soumit au pacha légitime, qui y envoya pour gouverneur Sidi-Othman, un de ses frères. Abd-el-Djelil lui-même fit des ouvertures de rapprochement aux partisans de Sidi-Ali. Enfin peu de temps après cette démarche Sidi-Ibrahim et Gumma attaquèrent Sidi-Mohammed à Zaouiah, l’en chassèrent et firent occuper cette ville, qui devint dès lors une menace contre la Méchiah. Il est hors de doute que si, dans ce moment favorable, les consuls de France et d’Angleterre eussent agi avec un parfait accord, les insurgés se seraient soumis moyennant des conditions convenables. Il n’en fut rien malheureusement, et les luttes intestines de la régence s’aggravèrent bientôt de façon à préparer, comme on aurait dû le prévoir, la ruine de son indépendance.

Après la prise de Zaouiah, Gumma, loin de poursuivre ses avantages, rentra dans l’inaction. Abd-el-Djelil en fit autant et ne donna aucune suite à ses offres. La diplomatie européenne en conclut que ces deux chefs n’avaient d’autre but que de laisser les deux Caramanli se déchirer, afin d’asseoir leur autorité sur les ruines du pouvoir central. Pour prévenir ce résultat, elle crut devoir engager la Porte-Ottomane à se prononcer en faveur de Sidi-Ali, espérant que