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n’ont pas moins d’importance pour le développement de l’art. A cet égard, les prouves abondent, et je n’aurais que l’embarras du choix. La partie morale de la religion chrétienne n’offrira jamais à la peinture autant de ressources que la partie merveilleuse. Les plus éloquentes paraboles, s’il était donné au pinceau de les traduire, et pour ma part j’en doute fort, n’offriraient pas le même intérêt que les miracles racontés par l’Evangile. Il ne s’agit pas pour nous de déplorer cette transformation, mais de l’accepter, puisque nous ne pouvons pas refaire le passé.

Non-seulement dans le domaine de l’art, et en particulier dans le domaine des arts du dessin, l’imitation est insuffisante, mais j’ajouterai qu’elle ne peut jamais se réaliser d’une manière complète, qu’elle est impossible dans le sens littéral du mot. Tous ceux qui ont manié le pinceau ou l’ébauchoir savent à quoi s’en tenir sur la valeur de mon affirmation. L’art ne dispose pas des mêmes moyens que la nature; il ne peut donc lutter avec elle sans s’exposer à une défaite certaine. Il doit chercher en dehors de la réalité le moyen de toucher le but qu’il se propose. Or quel est ce but? Emouvoir et charmer. A cet égard, les avis ne sont pas partagés. Ignorans et savans, hommes du monde et gens du métier, sont d’accord sur la destination de l’art. Si tous les esprits ne possèdent pas au même degré l’intelligence de la beauté, s’il n’est donné qu’aux génies privilégiés de l’exprimer complètement, personne du moins n’oserait contester que l’expression de la beauté ne soit le but assigné à la peinture et à la statuaire. La divergence ne commence qu’alors qu’il s’agit de déterminer la méthode à suivre pour réaliser l’idée préconçue. Je ne veux pas revenir sur le néant des doctrines réalistes; le public sait trop bien ce qu’a enfanté l’application rigoureuse de ces doctrines. Il est désormais démontré qu’il faut chercher ailleurs la source des grandes œuvres. M. Courbet n’est pas précisément de la famille de Rubens, et pourtant il est plus réel que le chef de l’école flamande. Acceptons M. Courbet comme l’expression la plus complète des doctrines réalistes. Admettons un instant qu’elles ne puissent pas se révéler d’une manière plus évidente, quoique M. Hornung laisse M. Courbet bien loin derrière lui, et qu’il ait imité les gerçures des lèvres, les rides du front bien plus exactement que le peintre français. N’appelons en témoignage que les œuvres placées aujourd’hui sous nos yeux: c’en est assez pour démontrer l’insuffisance et l’impossibilité de l’imitation. Il s’agit de savoir ce que les arts du dessin peuvent et doivent chercher en dehors de la réalité. Je n’ai pas à m’occuper ici de l’architecture, qui n’a jamais été considérée comme un art d’imitation, et dont le but est d’ailleurs complexe, puisqu’elle doit se proposer tout à la fois le beau et l’utile, à tel point que la construction la plus