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Bernadotte arrivait en Suède au milieu de l’anxiété nouvelle qu’avait causée le message de M. de Lagerbielke. Depuis qu’il avait mis le pied dans sa nouvelle patrie, il semblait tenir surtout à ce qu’on ne le crût point asservi à Napoléon: il affectait une entière indépendance. Quand le conseil de Charles XIII se réunit pour répondre à la sommation de l’empereur, il s’abstint de donner formellement son avis, se couvrant de son inexpérience, mais il rappela en se retirant que « les nations qui se laissent déconsidérer se relèvent difficilement. »

La réponse que le cabinet suédois devait faire à Napoléon n’était pas douteuse; il fallait se soumettre, au moins en apparence. Il fut donc décidé, le 17 novembre 1810, qu’une déclaration de guerre serait notifiée aux Anglais; mais ce nouvel acte, qui était prévu, ne devait rien changer aux affaires : il arrivait en novembre, c’est-à-dire quand la mauvaise saison allait interrompre tout commerce et toute navigation, et les Anglais d’ailleurs le prenaient pour ce qu’il valait. «On en rit à Londres, et j’en ai vu sourire à Stockhlom, » écrivait spirituellement M. Alquier. Le prince royal avait voulu rester étranger à la décision; il ne le fut pas aux moyens qu’imagina le gouvernement suédois pour en éloigner les plus fâcheuses conséquences. On le vit essayer d’attirer le Danemark lui-même, notre allié, dans le système adopté malgré tant de périls par la Suède, et qui consistait à mettre en avant le principe que le pavillon couvre la marchandise. Une telle ouverture ne resta pas secrète, et l’on peut comprendre quels furent les sentimens de l’empereur en voyant se confirmer ainsi les soupçons qu’il avait déjà. « ….. La démarche du prince royal, écrivit-on à M. Alquier, est inexplicable. Lorsqu’il s’agit de braver la France et ses décrets, on pouvait penser qu’il ne se mettrait pas en avant. Reconnaître que le pavillon couvre la marchandise et agir en conséquence, c’est renverser tous les décrets de l’empereur, c’est ouvrir au commerce anglais une libre carrière... Des rapports venus de Russie annoncent que le prince se montre en Suède très opposé aux mesures prohibitives... L’empereur est très mécontent. » Toutefois, malgré la vivacité de ces expressions, le ministre de France était chargé, non pas de transmettre encore directement ce langage, mais de l’insinuer à l’occasion. Bernadotte lui-même, comme s’il eût senti qu’il avait été trop loin, revint bientôt sur ses pas, et la campagne maritime de 1811 se passa encore, aussi bien que celle de 1810, sans éclat avec l’Angleterre ni avec la France.

Un moment notre ministre à Stockholm put croire que la Suède