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recette de 800 fr. environ pour un ménage composé du père, de la mère et de deux enfans adultes. C’est, comme on le voit, une moyenne de beaucoup supérieure à la moyenne générale de nos populations agricoles, et il serait à souhaiter que toutes arrivassent au même niveau.

La vie domestique se ressent de cette aisance. Les classes vouées à la culture du mûrier ne vivent ni de châtaignes, ni de seigle, ni de maïs, ni d’autres grains d’un ordre inférieur; elles consomment un pain substantiel fait de blés de première qualité, comme la tuzelle et le froment, d’excellens légumes, de bons fruits, un peu de viande de boucherie, et surtout la viande des porcs qu’elles élèvent et nourrissent à peu de frais. Leur boisson est le vin, moins dans le ménage que hors du ménage — et dans les débits publics où les hommes se réunissent après le travail. Quant aux vêtemens, ils sont propres et solides; les haillons sont rares, c’est la livrée de l’inconduite. Chez les jeunes filles, le goût de la parure est très prononcé; elles y consacrent la portion des salaires qui ne reste pas dans la maison; une fois mariées, elles y mettent plus de réserve. L’aspect des logemens répond à ces habitudes de bien-être : — point de chaume, point de murs en pisé, point de lézardes, point de châssis vermoulus et qui donnent accès à tous les vents, mais de vraies maisons recouvertes en tuiles, bâties à chaux et à sable, avec des portes bien closes, des volets bien ajustés et des fenêtres garnies de vitres. Quelques-unes n’ont qu’un étage : ce sont celles des pauvres gens; beaucoup en ont deux, trois même, et alors le rez-de-chaussée est affecté au bétail et aux animaux de culture, le premier à la famille, la partie supérieure aux granges et surtout aux magnaneries. Ainsi rien ne manque aux conditions matérielles de la vie, et c’est à la soie que ce monde industriel et agricole est redevable de ces bienfaits.

Naturellement, l’état moral et intellectuel des pays à mûriers se ressent de cette aisance : sous ce rapport, rien qui ne soit de nature à satisfaire. Les écoles sont très fréquentées, surtout pendant la mauvaise saison, et l’instruction est fort répandue. Il y a même des départemens, comme le Gard, où la jeunesse peut jouir des avantages d’un enseignement professionnel, créé et maintenu par le gouvernement. La ferme de Mas-le-Comte reçoit chaque année trente-trois élèves, qui, en dehors des notions générales d’agriculture, y suivent un cours spécial, qui comprend toutes les branches de la production de la soie et les complète par une application sur les lieux même. Ces places sont très recherchées, et déjà des sujets distingués sont sortis de l’école, dont la fondation est récente. Avec le temps, cette institution fera plus encore. La population environnante y fournit un