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historique, si le mot n’est pas trop ambitieux, d’un effet plus étendu. Cette loi peut se résumer en peu de mots : c’est que la fortune de cette industrie, comme de toutes les industries de luxe, a toujours coïncidé avec l’état du pays, florissante quand il était florissant, souffrante quand il souffrait, subordonnée au régime en vigueur, à la richesse et à la sécurité dont jouissaient les populations.

A l’appui de cette opinion, les preuves ne manquent pas, et M. Arlès-Dufour ne les méconnaît pas lui-même en d’autres occasions. Pour en revenir à la crise qui remplit la fin du XVIIe siècle et la moitié du siècle suivant, la révocation de l’édit de Nantes suffit-elle pour l’expliquer? N’y eut-il pas une pression plus grande encore, exercée par les événemens politiques et militaires? La fin du règne de Louis XIV si austère et si sombre, les guerres ruineuses et malheureuses dans lesquelles il fut entraîné; plus tard les orages de la minorité de Louis XV et les dilapidations de la régence, l’état précaire des finances publiques et le discrédit universel qui suivit les aventures de Law, le triomphe de l’esprit de spéculation toujours mortel aux opérations régulières, l’élévation du loyer de l’argent, la méconnaissance des vrais principes d’administration et l’existence d’une foule de petits monopoles qui enchaînaient l’activité particulière, toutes ces causes, isolées ou réunies, durent nécessairement entrer pour une grande part dans cette léthargie si persistante et cet engourdissement si prolongé. Tous les faits le prouvent, toutes les inductions portent à l’admettre. Si l’industrie des soieries se relève vers 1765 et en revient au chiffre de 12,000 métiers battans, c’est que l’esprit public se relève aussi, c’est que la France a eu quelque trêve, a respiré, est sortie de la poussière des champs de bataille; c’est que le souffle de la liberté passe déjà sur l’industrie et la convie à une destinée nouvelle; c’est que des écrivains, comme Quesnay, enseignent l’art de développer la richesse des états et préparent les affranchissemens de Turgot; c’est enfin qu’il s’opère comme une métamorphose dans les notions du crédit et de l’économie industrielle. Après avoir épuisé les expédiens, on entrevoit la science tutélaire du travail humain, et à l’arbitraire d’autrefois succède le régime des garanties; en un mot, on définit mieux et on distingue plus nettement les droits de ceux qui gouvernent et de ceux qui sont gouvernés.

Ce progrès est encore plus sensible dans les années qui suivent; avec les lumières et le sentiment raisonné des choses, l’activité s’accroît, les entreprises se multiplient; de 1780 à 1789, le nombre des métiers monte à 18,000 et se maintient jusqu’aux premiers orages de la révolution. Ici l’influence politique pèse de nouveau sur l’industrie et en subordonne la marche aux événemens. Le luxe