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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/629

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écoulées de juin 1848 à la fin de 1852. Les plus beaux inventaires de la soierie se rapportent à ces dates et surtout aux plus voisines de la commotion révolutionnaire. L’accroissement subit des métiers s’y rattache aussi; le nombre s’en éleva à 60,000 et 65,000 et n’a pas été dépassé depuis lors. A quoi cela tient-il? Comment expliquer ce contraste? Le plus naturellement du monde. La soierie ne relève pas de la France seule; elle a un autre empire, et ce n’est pas le plus ingrat; elle a, pour moitié au moins, une clientèle au dehors que la paix lui a value, et qu’elle conserve au prix d’efforts incessans. Or, quand l’intérieur lui manque, l’étranger lui reste fidèle, et c’est ce qui est arrivé en 1848 et 1849. Jamais les commandes n’ont été plus suivies. La soierie a même pu tirer avantage, dans une certaine mesure, de cette peur universelle qui avait gagné tous les producteurs agricoles et ne leur laissait aucune liberté d’esprit. Les cocons étaient descendus de 5 fr. à 2 fr. le kilogramme; c’est la soierie seule qui a profité de ce rabais irréfléchi et que rien ne justifiait.

Ainsi dans ces deux conditions, la paix et la liberté, se trouvent les garanties de prospérité pour l’industrie des soieries; le meilleur régime est celui qui les procure et les maintient. La liberté est nécessaire à son économe intérieure, la paix à ses débouchés; elle a souffert toutes les fois que l’une ou l’autre lui ont manqué. Sous l’ancien régime, c’est par le privilège qu’elle était frappée de langueur; sous l’empire, c’est par la guerre qu’elle a été contenue dans d’étroites limites. Elle ne s’est possédée elle-même et elle n’a conquis le monde que lorsque toutes les entraves ont disparu et que rien n’a gêné son essor. Sans doute il faut faire une part, dans les nécessités de son existence, à la sécurité intérieure et à la discipline inséparable d’un travail régulier : l’exemple de la convention est là pour prouver ce que devient l’industrie chez un peuple qui aux charges des hostilités extérieures ajoute les horreurs des troubles civils; mais de si grands désordres sont rares, Dieu merci! et telle est aujourd’hui la puissance des intérêts, que le mal s’arrête avant d’avoir pris de la gravité et que le retour ne se fait pas attendre.

Pendant que Lyon marchait ainsi et à travers les difficultés des temps dans une voie de perfectionnement continu, que devenaient les autres états de l’Europe? Comment s’y comportait L’industrie des soieries? à quel régime y était-elle soumise? jusqu’à quel point renfermait-elle les élémens d’une rivalité redoutable? Ce sont là des questions à examiner. D’abord l’Angleterre : en matière de manufactures, c’est à elle qu’appartient le premier rang, Il ne semble pas qu’avant la révocation de l’édit de Nantes, le lissage des soies y ait eu de l’importance et soit allé au-delà de quelques essais. On cite pourtant quelques actes publics, et entre autres une loi de 1666, qui