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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/634

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états auxquels la rattache une communauté d’origine. Si l’industrie des soieries n’y est pas ancienne, si la tradition n’y remonte pas bien haut, le zèle de ses manufacturiers y supplée et regagne le temps perdu. Sur aucun point, on ne montre plus de désir de parvenir, plus d’ardeur vers le perfectionnement, plus de patience dans l’imitation. A peine un dessin a-t-il paru à Lyon, qu’il est déjà sur les métiers de Vienne. C’est autour de cette ville et dans un rayon peu étendu que l’industrie est concentrée; elle y trouve un débouché naturel, un appui financier, et ce sentiment du goût qui règne dans les capitales. Est-ce au choix de ce siège, est-ce à l’aptitude de ses agens qu’il faut attribuer les progrès de cette industrie? Toujours est-il qu’elle a été un sujet d’étonnement pour les juges les plus autorisés; ils ont admiré la variété, l’entente, la bonne exécution des articles, et particulièrement des étoffes pour meubles et pour ornemens d’église. On a cité souvent les Chinois pour l’art qu’ils déploient à copier les produits de l’Europe; les Autrichiens, à ce qu’il semble, ne leur cèdent en rien et ne s’en tirent par, avec un moindre honneur. C’est le procédé de Daguerre appliqué à l’industrie. Nouveautés, colifichets, mouchoirs, cravates, écharpes, ils savent tout reproduire et avec une fidélité qui trompe même un œil exercé. Là est le secret et le titre de la fabrication autrichienne; si elle n’invente pas, elle sait choisir ses modèles.

De toute l’Italie, où la fabrication des soieries joua autrefois un si grand rôle, il n’y a plus que la Sardaigne qui ait conservé quelques élémens et quelques débris du passé. La Lombardie a désarmé; elle semble réduire son ambition et concentrer sa force dans le domaine de la filature. Ni Venise, ni Milan, ni Vérone, jadis si florissantes, ne sont en mesure de paraître dans un concours pour les étoffes; en revanche, Gênes et Turin sont sorties de leur long sommeil et aspirent à renaître. Longtemps Gênes eut le privilège du beau velours; les noms de la ville et du tissu étaient inséparables. Gênes a été dépassée et s’efforce de se remettre en ligne; Turin y prétend aussi, et la rivalité locale ainsi provoquée ne peut que favoriser cette renaissance. Le gouvernement sarde y aide, de son côté, avec cette intelligence qu’il apporte atout ce qu’il fait. A l’exemple de l’Angleterre, il a vu le nerf et le ressort des industries là même où il est, non dans l’exclusion, mais dans la concurrence; il a abaissé les droits sur les soieries étrangères.

L’Espagne n’en est malheureusement pas là; elle se débat dans les routines de l’économie publique, accompagnées de leur cortège ordinaire, les prétentions et les révoltes des ouvriers. Aussi la contrebande a-t-elle fait de ce malheureux pays le point de mire de ses plus belles opérations; c’est là un commerce en règle, avec ses primes,