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ses tarifs bien connus, sa puissance et .sa solvabilité. Cependant il existe au-delà des Pyrénées bien des élémens pour une régénération manufacturière. La Catalogne et le royaume de Valence soutiennent du mieux qu’ils peuvent leur vieille réputation, et, pour quelques articles spéciaux, conservent une certaine supériorité. Quant au Portugal, il n’en faut parler que pour mémoire.

Restent maintenant les pays qui furent le berceau de l’industrie des soieries, et auxquels l’Europe en fournit aujourd’hui, la Turquie, la Grèce, l’Egypte et les états barbaresques. Tout s’y réduit à une fabrication locale, adaptée aux besoins qu’elle dessert, aux habitudes et au goût des populations. C’est l’industrie à l’état rudimentaire, et qui participe de l’immobilité des Orientaux. Les dessins en sont originaux, les couleurs brillantes, mais tels que la tradition les a fixés, et comme ils étaient du temps des kalifes. La Chine et les Indes ont également ce caractère stationnaire et cette constance dans l’exécution. Ce qu’étaient les soieries de Chine il y a mille ans, elles le sont encore. Les générations d’ouvriers se succèdent sans que les procédés changent; à peine modifie-t-on les dessins. Ce sont toujours les mêmes damas économiques et beaux, les mêmes broderies sur châles et écharpes, les mêmes crêpes, les mêmes satins épais et résistans. On ne peut pas dire que ce soit là un art déchu, c’est un art qui s’est imposé des limites et tracé un cercle pour ne jamais le franchir. Que lui importent l’Europe et ses goûts changeans? Il a des millions de cliens qui s’accommodent de cette fixité, et si les barbares, comme ils nous nomment, ont besoin de quelques ballots d’étoffes, ce n’est pas la peine qu’on s’en préoccupe, et encore moins qu’on modifie pour cela des usages établis de temps immémorial. dans les produits de l’Inde, il y a plus de variété, quoique la fidélité aux traditions soit la même. L’Inde a été de tous temps la patrie des tissus délicats, des châles de prix, des écharpes transparentes. Nulle part on n’a su marier la soie et l’or dans des proportions plus heureuses, nulle part l’harmonie des couleurs, la combinaison des matières, l’originalité des dessins, n’ont été poussées plus loin. Si nous avons une méthode plus sûre, des procédés plus savans, plus de ressources et plus d’imagination, il ne faut se montrer ni ingrat ni dédaigneux envers ces artisans de l’Asie centrale, qui nous ont fourni les premiers modèles à imiter, et qui sur quelques points sont encore nos maîtres.

Voilà ce qu’a été, dans le cours des temps, l’industrie des soieries et ce qu’elle est aujourd’hui. Pour mieux en juger l’importance, il n’y a plus qu’à ajouter quelques chiffres sur la production générale de la France. Les évaluations ne sauraient être qu’approximatives, et varient suivant les auteurs; elles sont en outre assujéties à