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cafetans. Ces trois états ont d’ailleurs des exposans de qualité, le gouverneur de la province pour Tripoli, le bey pour Tunis, et pour l’Egypte le pacha; avec les rois et la compagnie des Indes, c’est presque un congrès de souverains. Là malheureusement s’est borné le contingent des provinces turques; les plus florissantes, les plus habiles dans l’art de tisser et de nuancer la soie sont absentes du concours. Rien de la Turquie d’Europe, rien de la Turquie d’Asie; ni Constantinople, ni Andrinople, ni Smyrne, ni Brousse n’ont envoyé de produits. Est-ce négligence ou préoccupation de la guerre? Le vide est fâcheux dans tous les cas et n’est pas justifié par un simple retard : le concert devrait être plus grand lorsque les drapeaux se confondent. La Grèce s’est montrée moins sourde à l’appel : elle est représentée par de beaux noms. Sparte expose des tissus de soie pour chemises; les religieuses du monastère de Saint-Constantin en exposent aussi; Hydra a des écharpes bleues et jaunes rayées d’argent, d’autres rouges avec des raies d’or, Cumi des essuie-mains et des ceintures d’une exécution originale. C’est bien l’Orient, et on le retrouve jusque dans ces moustiquaires dont l’usage ne s’étend pas au-delà d’un certain degré de latitude.

L’exposition des états sardes, si riche en soies grèges et ouvrées, laisse beaucoup à désirer du côté des soieries. Gênes n’y a que des colifichets, des plumetis, un coussin brodé d’or et de soie, mais rien en étoffes, rien surtout dans les velours, qui constituent son véritable titre. Turin a quelques velours d’une bonne exécution, et qui font honneur à MM. Chichizola, et des passementeries d’or, d’argent et de soie. En somme, ce n’est pas là une expression sérieuse de la fabrication locale : cinq ou six exposans à peine, et des produits de fantaisie ou d’un emploi restreint! L’Autriche s’est montrée plus généreuse ou plus courageuse, comme on voudra. Vienne seule a quarante exposans, et offre un assortiment complet dans tous les genres, velours, rubans de velours et de soie, fichus de chenilles, peluches, tissus brochés, façonnés, quadrillés, unis, tulles de soie, damas, ornemens d’église, écharpes, foulards, satins, étoffes pour ameublement, pour robes, pour gilets ou cravates, même des portraits de souverains reproduits avec plus ou moins de bonheur. Par le nombre des concurrens et la variété des objets, on peut juger de l’essor tout récent qu’a pris cette industrie. Avec moins de confiance dans ses forces, Lyon aurait à s’en préoccuper. On le copie, et c’est un honneur; on lui emprunte ses dessins, et c’est un hommage rendu au goût français; mais cet honneur et cet hommage pourraient, si on les pousse trop loin, devenir un souci et un danger. Il y a des fabricans, comme MM. Charles Moring pour les rubans et MM. Reichert pour les tissus, qui en sont arrivés à un degré de