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perfection réel, et peuvent se présenter, sur les marchés de l’étranger, dans les conditions d’une rivalité sérieuse.

Plus que Lyon, le Zollverein aurait sujet d’en prendre quelque alarme : ce sont là pour lui des concurrens plus directs, plus contigus, et qui le serrent de plus près. Son exposition prouve qu’il n’entend pas se laisser devancer ; elle se compose à peu près des mêmes articles, et compte cinquante-deux noms, dont quelques-uns haut placés dans l’industrie, comme MM. Diergardt pour les velours, et MM. Scheibler pour les étoffes. D’autres manquent, et leur absence a été remarquée, — par exemple, MM. Simons, Vanderleyer, Bœdinghaussen et Van-Bruck. Peut-être faudrait-il attribuer le fait aux ombrages de la politique, si déjà, à l’exposition de Londres, le Zollverein n’avait montré la même défiance et la même hésitation. Il y a donc lieu d’en chercher ailleurs le motif, et c’est le cas de se demander comment des manufacturiers éminens se tiennent à l’écart de solennités semblables. La Prusse et ses soieries ne sont pas seules en cause ; partout il y a eu des abstentions et pour tous les produits. À quoi cela tient-il ? À des préventions et à des calculs. Chez ceux-ci c’est fierté, chez ceux-là défiance : les uns, sentant leur force, assurés de leur vente, ne voient point d’avantage à briguer ce certificat public ; les autres y redoutent un piège et s’imaginent qu’à se mettre au grand jour, on leur dérobera leur secret. Les timorés répugnent à mêler leurs noms aux intrigues inséparables d’un tel concours et veulent s’épargner le souci et les dépenses qu’il entraîne. À ces motifs peu graves se joignent aussi des motifs plus sérieux. Les manufacturiers consciencieux qui se présentent avec leur fabrication courante craignent, non sans quelque fondement, de se trouver en présence de produits d’apparat et de travaux de laboratoire. Enfin il en est qui regardent comme au moins suspectes la compétence des juges et surtout celle des curieux, et préfèrent demeurer à l’abri des faux jugemens, des suffrages surpris et des appréciations superficielles.

Si le Zollverein s’est un peu effacé, la Suisse a donné avec toutes ses forces. On sent là une vigueur, une sève qui ne demandent qu’à se produire. Les cantons ont fourni 89 exposans ; Zurich en a 47, Bâle 24, Argovie 4, Saint-Gall, Underwald, Berne, les Grisons, chacun 1. Pour les genres, il y a, on l’a vu, deux groupes distincts ; Bâle tisse les rubans, Zurich les étoffes. Point de prétentions aux grands effets ni aux dispositions coûteuses : c’est au bon marché que cette fabrication vise. Des façons simples, le mélange intelligent de matières économiques comme la bourre de soie, et par-dessus tout une exécution régulière et suivie, voilà ce qui distingue cette collection, l’une des plus intéressantes sans contredit que l’on puisse visiter aux