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France dans le champ pacifique de l’industrie ; c’est parmi nous qu’elles recrutent leurs modeleurs et leurs ciseleurs. Je conçois donc très bien que nos orfèvres soient fiers de leur prééminence, mais ils seraient plus modestes et changeraient de méthode, je me plais du moins à le penser, s’ils prenaient, la peine de comparer le présent au passé. Les meilleurs ouvrages qui sortent de leurs ateliers sont tellement loin des ouvrages exécutés en Italie et en France au XVe, au XVIe et même au XVIIe siècle, qu’on dépasserait les bornes de la sévérité en les jugeant d’après de tels modèles. Pour que le présent approche du passé, il faut que les orfèvres comprennent l’importance de l’art dans l’industrie et se mettent sous la direction des sculpteurs. Tant qu’ils voudront tout concevoir, tout ordonner par eux-mêmes, et compteront sur l’habileté manuelle de leurs ouvriers, ils ne produiront jamais une pièce vraiment belle ; ils pourront éblouir les yeux, ils ne réussiront pas à contenter le goût.

Si j’avais besoin d’établir par de nouveaux argumens l’importance de l’unité dans l’orfèvrerie, il me suffirait de citer les deux autels composés par MM. Questel et Viollet-Leduc, exécutés dans les ateliers de MM. Poussielgue-Rusand et Bachelet. L’œuvre de M. Questel, conçue dans le style du XIIe siècle, est destinée à l’église Saint-Martin d’Ainay, à Lyon ; celle de M. Viollet-Leduc, à la cathédrale de Clermont. Le savoir et l’habileté de ces deux artistes étaient depuis longtemps reconnus ; je n’apprendrai rien à personne en disant qu’ils ont fourni aux ouvriers chargés de traduire leur pensée des modèles excellens.

J’arrive à l’ébénisterie. Il est certain que la sculpture en bois a pris chez nous depuis quelques années un développement très remarquable. Je ne saurais donner le nom des ouvriers à qui nous devons les meubles ornés de figures exposés au Palais de l’Industrie : les fabricans négligent de les désigner. Une des œuvres les plus importantes en ce genre est celle qui sort des ateliers de M. Weber. Qu’il ait pris une part personnelle à l’achèvement de cette bibliothèque, je le crois volontiers ; pourtant il n’a pas fait par lui-même toute la besogne, et je regrette qu’il n’ait pas indiqué ses auxiliaires. À ne considérer que la main-d’œuvre, la bibliothèque de M. Weber mérite les plus grands éloges : c’est un prodige de patience. Malheureusement la composition n’est pas à la hauteur de l’exécution. Le fabricant a voulu donner à ce meuble une double destination : la partie centrale serait un bureau. Or je dois dire qu’au premier aspect cette prétention ne semble pas justifiée ; on croit se trouver devant un autel. La pensée qui relie entre elles les diverses parties de ce bureau-bibliothèque est quelque peu ambitieuse : au sommet, la Science distribue des récompenses aux quatre parties du monde ; au