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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/757

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pour base un écrit élohiste (c’est-à-dire où Dieu est désigné par le mot Elohim), dont on pourrait encore aujourd’hui reconstruire les parties essentielles. Quant à l’opinion qui attribue la rédaction du Pentateuque à Moïse, elle est en dehors de la critique, et nous n’avons pas à la discuter : cette opinion, du reste, paraît assez moderne, et il est bien certain que les anciens Hébreux ne songèrent jamais à regarder leur législateur comme un historien[1]. Les récits des temps antiques leur apparaissaient comme des œuvres absolument impersonnelles, auxquelles ils n’attachaient pas de nom d’auteur.

Ainsi se forma l’écrit fondamental des annales hébraïques, ce que M. Ewald appelle le livre des origines, à la suite duquel vinrent se grouper successivement les annales des juges, des rois, des temps de la captivité, jusqu’à Alexandre. Aucun peuple ne peut se vanter assurément de posséder un corps d’histoire aussi complet, ni des archives aussi régulièrement tenues. Ce qu’il importe de maintenir en effet, c’est que les remaniemens de la forme n’altérèrent jamais gravement le fond, en sorte que les fragmens ainsi réunis, que le contenu en soit historique ou légendaire, ont la valeur de documens originaux. Le Pentateuque renferme, selon toute apparence, des renseignemens empruntés aux archives des peuples voisins d’Israël : tels sont le récit de la guerre des rois iraniens contre les rois de la vallée de Siddim, où Abraham figure comme un étranger, — Abram l’Hébreu qui habitait la chesnais de Mambré l’Amorrhéen ; — les généalogies des Edomites ; le curieux synchronisme établi entre la fondation de Hébron et celle de Tanis en Égypte. Les premières pages mêmes, consacrées aux origines antédiluviennes, toutes mythologiques qu’elles paraissent, sont certainement les documens qui nous font approcher le plus de l’origine du genre humain.

Il est impossible de bien comprendre Israël sans le rattacher au groupe de peuples dont il fait partie, je veux dire à la race sémitique, dont il est le rameau le plus élevé et le plus pur. Le résultat essentiel de la philologie moderne a été de montrer dans l’histoire de la civilisation l’action d’un double courant, produit par deux races profondément distinctes de mœurs, de langue et d’esprit : d’une part, la race indo-européenne, embrassant les populations nobles de l’Inde, de la Perse, du Caucase, de l’Europe entière ; de l’autre, la race désignée du nom très fautif de sémitique[2], comprenant les populations

  1. L’opinion que Moïse est l’auteur du Pentateuque ne parait guère établie avant l’ère chrétienne. M. de Wette croit même qu’à cette époque elle n’était pas entièrement acceptée.
  2. Ce nom désigne ici non les peuples donnés dans la Genèse comme issus de Sem, mais les peuples qui parlent ou ont parlé les langues appelées à tort sémitiques, c’est-à-dire les Hébreux, les Phéniciens, les Syriens, les Arabes, les Abyssins.