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en possède un, dont M. de Haxthausen nous a donné en détail l’organisation. Qui peut dire à combien s’élève la consommation du bois sur le globe ? En Europe seulement elle dépasse plusieurs milliards, et il n’est pas permis d’en mépriser impunément la production, car, dans les vues de la Providence, la vie des hommes est attachée à celle des arbres.

À la question forestière s’unit partout celle du gibier. Elle fait partie des études des forestiers allemands, qui ont déterminé quelle proportion d’animaux sauvages comestibles les grands bois pouvaient nourrir sans inconvénient. Cette proportion est encore assez considérable. En Angleterre, en Bohême, dans une partie de l’Allemagne, le gibier entre pour une assez grande part dans l’alimentation publique. Des espèces précieuses de gros quadrupèdes, comme le cerf, le daim, le chevreuil, qui se perdent ailleurs, y sont conservées et entretenues avec soin. Leur viande se vend en Bohême de 30 à 40 centimes la livre. En Angleterre, les journaux nous apprennent souvent que des milliers de lièvres, de faisans, de perdrix, ont été tués dans une seule chasse, chez un simple particulier. Le coq de bruyère et la gelinotte ne peuvent vivre que dans les sapinières des hautes montagnes. En Amérique, les marchés sont alimentés d’espèces particulières d’oiseaux excellens, grâce à l’immensité des forêts. Des têtes d’animaux qui n’habitent que les plus profondes solitudes, comme l’orignal et le caribou, avaient été placées à dessein dans le trophée du Canada, pour nous rappeler qu’on ne les trouve plus que là. Trop multiplié, le gibier est un fléau ; dans la juste mesure, c’est un attrait en même temps qu’un produit de plus pour les bois, et qui en recommande puissamment la conservation.


II

Hâtons-nous d’arriver à ce qui nous intéresse le plus, les bois français. Hélas ! ce ne sera que pour y trouver une déception. L’administration des forêts, qui possède seule tous les élémens d’une collection complète, n’a rien exposé, lacune irréparable dans l’inventaire de nos richesses nationales. La Corse seule a fait exception ; des échantillons assez complets des bois de cette île, qui possède à cet égard tant de ressources, ont été envoyés par l’administration locale ; mais par suite de la fatalité qui semble avoir poursuivi nos produits forestiers, ils ont été négligemment jetés dans la cour, exposés à toutes les injures de l’air, sans aucun signe extérieur qui attirât sur eux l’attention. Les particuliers ont suivi instinctivement la même pente ; très peu d’exposans se sont présentés dans cette catégorie. On ne saurait trop s’étonner et s’affliger d’une telle indifférence