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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1072

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Le chemin hongrois n’est pas entièrement construit, son matériel n’est pas complet. N’étant pas en contact avec le territoire ottoman, il n’a pas encore modifié les vieilles habitudes du commerce austro-levantin. Le croirait-on ? Dans l’état actuel des communications, malgré l’insuffisance et l’imperfection des moyens de transport entre l’Orient et l’Occident, l’Autriche[1] entretient des rapports de commerce douze fois plus considérables avec la Turquie qu’avec la France. On se sert autant que possible des voies maritimes et fluviales. Néanmoins, comme on ne peut éviter un long trajet par terre pour correspondre avec le centre et le nord de l’Europe, et que la navigation à vapeur sur le Danube est interceptée pendant les mois d’hiver, le transport par roulage à travers les vastes plaines de l’Europe orientale a une importance dont peu de personnes se doutent. Les états officiels constatent que le commerce par terre entre l’Autriche et les possessions turques détermine un roulement de 80 millions de francs, sans compter un transit de 6 à 7,000 tonnes dont la valeur commerciale peut être évaluée à 40 millions. Les voies les plus fréquentées aujourd’hui sont celles qui partent de la Servie par Belgrade, de la Valachie par Giurgevo ou Bucharest, de la Moldavie en passant par Cronstadt ou Hermanstadt pour aboutir à Temesvar. De lourds chariots, marchant par convois et laissant de tristes sillons sur des routes boueuses, vont ainsi au-devant du railway, qui semble allonger ses bras de fer pour les rejoindre au plus tôt et faire leur besogne. Que sera-ce dans l’avenir, quand le réseau complété ira, pour ainsi dire, chercher les marchandises sur les lieux de production, quand la modicité des frais de transport provoquera les achats de l’étranger, quand une régie habile combinera les péages et les facilités du service de manière à faire concurrence à la navigation commerciale !

Il était nécessaire, pour l’indépendance de la compagnie, d’avoir une entrée dans la métropole de l’empire autrichien; aussi a-t-elle racheté, en dehors du traité fait avec l’état, le chemin de Vienne à Raab, avec une fabrique de machines qui en dépend. Cette dernière ligne a une étendue d’environ 93 kilomètres, dont un peu plus du tiers est en exploitation, et le reste en construction. Une entreprise particulière, constituée au capital de 22 millions de francs, en avait obtenu la concession, à charge d’en effectuer plus tard le prolongement jusqu’à Esseck en Esclavonie. Ce serait une autre pointe poussée vers la Bosnie et la Dalmatie, et peut-être un moyen d’acquérir par la suite, au profit du réseau hongrois, un port sur l’Adriatique.

  1. Importations françaises en Autriche en 1858 9,164,000 fr.
    Exportations de l’Autriche pour la France — 6,818,000 15,982,000 fr ;
    Importations de la Turquie en Autriche en 1850 95,789,000 fr.
    Exportations de l’Autriche pour la Turquie — 82,934,000 178,623,000 fr.