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depuis dix ans, ont été exploitées avec un redoublement d’activité, occasionné par le haut prix de ces pierres, qui a surpassé un moment le prix du saphir.

Le rubis oriental est, pour le prix comme pour la beauté, la première des pierres de couleur. Pour avoir sa couleur dans sa plus belle qualité, il faut prendre celle du sang qui jaillit de l’artère ou le rayon rouge du spectre solaire dans le milieu de l’espace qu’il occupe. C’est encore la couleur rouge de la palette du peintre sans aucun mélange de violet d’une part et d’orangé de l’autre. Plusieurs des vitraux rouges de nos anciennes basiliques, traversés par les rayons du jour, nous donnent cette couleur éclatante. Le rubis est excessivement dur, et après le saphir, qui le surpasse un peu sous ce rapport, c’est la première des pierres, toujours en exceptant le diamant, à qui rien ne peut être comparé. D’après une remarque parfaitement juste de M. Charles Achard, plus compétent que personne en France en ce qui touche le commerce des pierres de couleur, il n’en est pas de même pour ces pierres que pour le diamant, qui, depuis le plus petit échantillon jusqu’aux diamans princiers ou souverains, a, comme l’or et l’argent, un prix en proportion avec son poids. Pour le rubis et les autres gemmes, les petits échantillons n’ont presque aucune valeur, et ces pierres ne commencent à être appréciées qu’au moment où leur poids les tire d’un pêle-mêle vulgaire et leur assure à la fois la rareté et un haut prix. Ainsi, pour que les pivots, des montres de précision tournent avec facilité, on les implante dans de petits rubis percés convenablement. Ces petites pierres, de la grosseur des grains de millet, pour être fort utiles, n’en sont pas pour cela plus appréciées à cause de leur grande abondance; mais qu’un rubis parfait de 5 carats (environ 1 gramme, poids d’une pièce de 20 centimes) circule dans le commerce, on en offrira un prix double d’un diamant de même poids, et si ce rubis atteignait au poids de 10 carats, on pourrait en demander le triple d’un diamant parfait de poids pareil, lequel prix serait cependant de 20 à 25,000 francs. J’ai vu plusieurs belles collections d’amateurs, visité et consulté plusieurs lapidaires : tout le monde admet qu’un rubis parfait est la plus rare de toutes les productions de la nature. La teinte du rubis, au jour comme aux lumières, a le même avantage; mais quand on veut rendre l’éclat de cette belle gemme tout à fait unique, il faut la plonger dans les rayons rouges du spectre, de telle sorte que le reste des couleurs de la lumière solaire ne s’arrête pas dans le voisinage du rubis. Alors il n’est personne qui puisse retenir un cri d’admiration et qui ne repaisse avidement ses yeux de cette teinte délicieuse. Les possesseurs de collections de choix pourront s’amuser à répéter cette expérience intéressante avec diverses pierres en les